Henry Poulaille
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Henri Poulaille, Henry Poulaille en littérature, est un écrivain [1] français né le à Paris (11e arrondissement)[2] et mort le dans le 14e arrondissement de Paris [3] .
Créateur du courant de la littérature prolétarienne, il est l'auteur de nombreux romans, d'essais sur le cinéma, les lettres, les traditions populaires. Il a fondé une dizaine de revues libertaires dans lesquelles il faisait la promotion de la littérature d'expression populaire et des utopies sociales.
Biographie
[modifier | modifier le code ]Fils d'Henri, un charpentier anarchiste originaire de Nantes, et d'Hortense Roulot, une canneuse de chaise de Ménilmontant, il se retrouve orphelin à 14 ans. Autodidacte (il obtient seul le certificat d'études primaires, à l'âge de 12 ans), passionné par les livres, il fréquente les milieux libertaires. Il rencontre ainsi Jean Grave, Paul Delesalle, Victor Serge (Kilbatchich)[4] . Mobilisé au sein du 5e Bataillon de chasseur à pied, il rejoint le front le avant d'être blessé au Chemin des Dames par éclat d'obus (). Il racontera son expérience de guerre dans Pain de soldat.
Il est embauché en 1923 aux éditions Grasset, comme directeur du service de presse. Il exercera jusqu'à sa mise à la retraite en 1956 un rôle de conseiller littéraire sans jamais en posséder le titre.
C'est néanmoins aux éditions Valois (dirigées par Georges Valois) qu'il mène son combat pour la littérature prolétarienne avec un livre manifeste (Le Nouvel âge littéraire), une revue (Nouvel âge littéraire puis Nouvel âge), une collection (Les romans du Nouvel âge).
Il consacre toute son énergie à la promotion de la littérature prolétarienne, fait découvrir de nombreux auteurs issus du monde du travail. Nouvel Âge littéraire (1930), son livre manifeste retrace l’histoire de cette littérature. "C'est cela, selon nous, la littérature prolétarienne : le fait d'utiliser la 'chose écrite' pour se mettre debout"[5] .
Durant les années 1920 et 1930, il fonde et anime de nombreuses revues, souvent éphémères, telles Nouvel Âge, Prolétariat, À contre-courant ; il participe à de nombreuses autres publications : Monde , Esprit, Le Peuple (où il est directeur littéraire à partir de 1925[6] ), La Flèche, Le Libertaire , La Revue anarchiste , L'Insurgé ; il publie ou fait publier de nombreux écrivains français et étrangers : Henri Barbusse, Lucien Bourgeois, Blaise Cendrars, Eugène Dabit, John Dos Passos, José Maria Ferreira de Castro, Jean Giono, Panaït Istrati, Andreas Latzko, Constant Malva, Marcel Martinet, Charles-Ferdinand Ramuz, Victor Serge, Franz Werfel. En 1935, il crée avec Marcel Martinet Le Musée du soir , cercle prolétarien, à la fois bibliothèque et lieu de débat, considéré comme le véritable ancêtre des maisons de la culture[7] et qui fonctionne jusqu'en 1939. Il en est de même pour L’Équipe qu’il développe avec le peintre Joseph Lacasse (conférences, expositions, théâtre, puis en 1939 revue) dans un local situé 79/81, boulevard du Montparnasse.
À la Libération et jusqu'en 1948, il publie la revue prolétarienne Maintenant, dont le dernier numéro est un numéro spécial consacré à la révolution de 1848.
Il s'attire l'hostilité du Parti communiste pour son refus de tout embrigadement, puis en raison de son soutien à Victor Serge. Proche de Marcel Martinet et de Henri Barbusse dans les années 1926-1928, il a toujours refusé d'adhérer au parti communiste. Son œuvre et ses écrits ont été bien accueillis à cette époque en Union soviétique. Mais, après le congrès de Kharkov, au moment où les soviétiques définissent l'esthétique officielle de l'Union des écrivains – le réalisme socialiste –, il est l'objet d'attaques virulentes qui atteignent leur point culminant en 1932[8] .
Pourtant son engagement humanitaire, pacifiste et antimilitariste a pu se manifester à bien des reprises :
- En 1925, il signe un manifeste contre la guerre du Maroc [9] ,[10] .
- En 1927, il signe, en compagnie notamment d'Alain, Lucien Descaves, Louis Guilloux, Jules Romains, Séverine, une pétition contre la loi sur l’organisation générale de la nation pour le temps de guerre qui abroge toute indépendance intellectuelle et toute liberté d’opinion[11] . Cette pétition parait le dans la revue Europe .
- En 1933, il monte un comité de soutien à Victor Serge, écrivain français trotskyste qui avait été déporté par Staline en Sibérie[9] .
- En 1939, il est un moment incarcéré pour avoir signé le tract pacifiste de Louis Lecoin : Paix immédiate , étant un des rares, avec Louis Lecoin, à ne pas désavouer après coup sa signature.
- Plus tard, en 1963, il signe aussi la lettre de Louis Lecoin pour la reconnaissance du statut d'objecteur de conscience.
Sur le plan littéraire, il a cherché à promouvoir la littérature prolétarienne, en la distinguant du populisme et de la littérature des prolétariens communistes. Se réclamant de l'œuvre de Jules Michelet, de Charles Péguy, de Georges Sorel, mais aussi de Ramuz, il appelait de ses vœux une littérature faite par le peuple et pour le peuple, c'est-à-dire qui soit l'œuvre d'écrivains véritablement issus du peuple. Constant Malva, mineur du Borinage ou Rose Combe, garde-barrière auvergnate, qu'il publie dans sa série "Les romans du Nouvel âge" en sont deux exemples. Pour être « authentique », l’écrivain se doit de connaître à fond le milieu qu’il veut peindre. L’écrivain qui veut dépeindre la classe ouvrière doit donc y être né. « Pour parler de la misère, il faut l’avoir connue » déclare Poulaille[12] . À partir des années 1940, il se tourne vers d’autres manifestations de la culture populaire, comme les « noëls », les « chansons de toile » et s’intéresse aux nouveaux médias (disque et cinéma).
Un groupe de la Fédération Anarchiste porte aujourd'hui son nom, le groupe Henry Poulaille, de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Dans le cadre de l’activité éditoriale de Vent du Ch’min, Henry Poulaille avait préfacé l’ouvrage Delannoy, un crayon de combat et avait prêté une multitude de documents pour une exposition à la Bibliothèque municipale de Saint-Denis.
Il est enterré au cimetière de Cachan.
Œuvre
[modifier | modifier le code ]Poulaille est l'auteur de plusieurs romans, d'inspiration autobiographique[13] . Dans ses romans les plus célèbres, il met en scène une famille ouvrière : les Magneux. Il prête une partie de son expérience à Loulou Magneux, son double littéraire. Fils d'un charpentier victime d'un grave accident du travail (dans Le Pain quotidien, qui correspond aux années 1903-1906), Loulou perd ses parents très jeunes (à la fin des Damnés de la terre), à quelques mois d'intervalle : Hortense Magneux meurt de la tuberculose. Les voisins et amis des Magneux, les Radigond, manifestent leur solidarité lors de l'accident d'Henry Magneux. Poulaille recrée le petit monde, pittoresque et gouailleur, du Paris populaire qu'il a connu. Sa vision du peuple, à l'inverse de Zola, est apologétique : le peuple est solidaire et si l'alcoolisme sévit, il ne touche que des personnages secondaires. Les Damnés de la terre (correspondant aux années 1906-1910) accorde une large place aux mouvements politiques et sociaux des années 1906-1910, vus par Magneux, grand lecteur (comme l'était le père de Poulaille) et ses amis anarcho-syndicalistes : grève des viticulteurs de 1907, manifestation Ferrer, manifestation du premier , grève des cheminots et des postiers de 1909. Les trois premiers volumes du cycle des Magneux sont publiés en feuilleton dans Le Peuple , quotidien de la CGT entre 1931 et 1937.
Dans l'entre-deux guerres, ses romans et autres œuvres ont fait l'objet de nombreuses éditions et de multiples traductions ; elles sont peu rééditées actuellement.
Pendant et après la guerre, Poulaille s'est consacré à des anthologies de contes, de noëls ou de chansons qui restent encore de nos jours des outils de référence, notamment ses trois volumes sur les noëls (Albin Michel).
Publications
[modifier | modifier le code ]D'après l'annexe bibliographique dans Le Feu sacré (ci-dessous) et le catalogue général de la Bibliothèque nationale de France. Seules les rééditions les plus récentes sont mentionnées.
Cycle des Magneux
[modifier | modifier le code ]- 1931 : Le Pain quotidien 1 1903–1906 (Librairie Valois) ; réédité en 1980 (Stock) et en 1986 (Grasset) — Prix des bouquinistes, 1954[14]
- 1935 : Le Pain quotidien 2 Les Damnés de la terre, 1906–1910 (Grasset)[15] ; réédité en 2007 (Les Bons Caractères)
- 1937 : Pain de soldat 1 1914–1917 (Grasset)[16] ; réédité en 1995 (Grasset)
- 1938 : Pain de soldat 2 Les Rescapés, 1917–1920 (Grasset)
- 1980 : Seul dans la vie à 14 ans 1 Le Feu sacré, 1910–1911 (Stock)Inédit de son vivant — à intercaler entre Les Damnés de la terre et Pain de soldat. Deux autres volets menant l'histoire jusqu'en 1914 sont annoncées dans la préface mais n'ont pas vu le jour : Vivre sa vie et Fin d'époque.
Autres romans
[modifier | modifier le code ]- 1925 : Ils étaient quatre (Grasset) ; réédité en 1986 (Le Goût de l'être)
- 1926 : L'Enfantement de la paix (Grasset)
- 1928 : Le Train fou (Grasset)
- 1974 : Ahasvérus dans l'anonymat glorieux (Le Midi et L'Amitié par le livre)
Contes originaux
[modifier | modifier le code ]- 1925 : Âmes neuves (Grasset)
Essais
[modifier | modifier le code ]- 1926 : Pour ou contre Ramuz, cahier de témoignages avec un essai (Le Siècle)
- 1927 : Charles Chaplin (Grasset)
- 1930 : Nouvel âge littéraire (Librairie Valois)Réédité et grandement augmenté avec des textes recueillis par l'éditeur Plein Chant en 1986 (Nouvel âge littéraire 1) ; en 2003 (Nouvel âge littéraire 2 La Littérature et le peuple) ; et en 2013 (Nouvel âge littéraire 3 La Littérature par le peuple).
- 1930 : Charles-Louis Philippe, le populisme et la littérature prolétarienne (Librairie Valois)
- 1930 : L'Âge ingrat du cinéma (Librairie Valois)
- 1931 : Charlot (Grasset)
- 1932 : Le Disque à l'école (Librairie Valois), en collaboration avec Charles Wolff (1905–1944)
- 1948 : L'Esprit populaire : les chansons de 1848 (Damase & Fumeron)
- 1951 : Pierre Corneille : Tartuffe ou la comédie de l'Hypocrite (Amiot-Dumont)« Version primitive du Tartuffe de Molière, reconstituée par Henry Poulaille et attribuée par lui à Corneille. » (BnF)
- 1957 : Corneille sous le masque de Molière (Grasset)
- 1970 : Mon ami Calandri, présentation de lettres de Jean Calandri (Spartacus)
Anthologies
[modifier | modifier le code ]- 1942 : La Grande et Belle Bible des Noëls anciens 1 Du XIIe au XVIe siècle (Albin Michel)
- 1943 : Les Plus Beaux Noëls français (Albin Michel)
- 1943 : La Fleur des chansons d'amour du XVIe siècle (Grasset)
- 1947 : Les Chansons de toile du XIIe siècle (Rogers), en collaboration avec Régine Pernoud
- 1947 : Il était une fois : 80 contes de tous les temps et de tous les pays (Gründ)
- 1949 : Éros, épines et roses, de Villon aux libertins, jusqu'à Saint-Pavi (L'Odéon)
- 1950 : La Grande et Belle Bible des Noëls anciens 2 XVIIe et XVIII siècles (Albin Michel)
- 1950 [Lien à corriger] : La Grande et Belle Bible des Noëls anciens 3 Noëls régionaux et noëls contemporains (Albin Michel)
- 1957 : Anthologie de XXV siècles de poésie et de chansons érotiques, enregistrement sonore, coffret de huit disques (Disques Libido)
- 1958 : Bible des noëls anciens, des origines au seizième siècle, édition nouvelle (Club des éditeurs)
Jeunesse
[modifier | modifier le code ]- 1928 : Il était une fois, livre de lecture pour les enfants qui ne veulent pas apprendre à lire (Portiques)
- 1938 : À la six quat'deux, album de dessins chiffrés par Hyp précédé d'un conte par Poulaille, « L'Enfant qui n'aimait pas les chiffres » (Grasset)
Articles
[modifier | modifier le code ]- « Noëls au Moyen-Âge », La Revue Hommes et Mondes 5 (), p. 166–174.
Cahiers
[modifier | modifier le code ]Les éditions Plein Chant, spécialisées dans la littérature prolétarienne, éditent les Cahiers Henry Poulaille.
Notes et références
[modifier | modifier le code ]- ↑ L'Éphéméride anarchiste : Henry Poulaille.
- ↑ Archives numérisées de l'état civil de Paris, acte de naissance no 11/5301/1896, avec mention marginale du décès (consulté le 21 septembre 2012)
- ↑ État civil sur le fichier des personnes décédées en France depuis 1970
- ↑ Jean Maitron et Claude Pennetier, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, t. 39, 4e partie, 1914-1939 : de la première à la seconde Guerre mondiale : Pioch à Raz, 1991
- ↑ Thierry Maricourt, Henry Poulaille, éditions Ressouvenances, 2011
- ↑ Marcel Lapierre, Poulaille au Peuple , in Entretiens, n° 33, éd. Subervie, 1974, pp. 61-64
- ↑ Jean-Pierre de Beaumarchais, Daniel Couty, Alain Rey, Dictionnaire des littératures de langue française, article « Poulaille ». Paris : Bordas, 1987.
- ↑ Karl-Anders Arvidsson, Henry Poulaille et la littérature prolétarienne française des années 1930. Göteborg : Acta Universitatis Gothoburgensis ; Paris : Jean Touzot, 1988.
- ↑ a et b « POULAILLE Henry (pseudonyme : Hyp) - Maitron », sur maitron.fr (consulté le )
- ↑ Jean-François SIRINELLI, « Rififi sur le Rif. », sur Libération.fr, (consulté le )
- ↑ Texte de la loi sur le site Legifrance. Elle est votée en 1938, après plus de dix ans de débats.
- ↑ Henry Poulaille, « La littérature et le peuple ». In Les Humbles, décembre 1937, p. 35.
- ↑ La plupart des dictionnaires de littérature consacrent un article à Poulaille. Voir par exemple : André Bourin et Jean Rousselot, Dictionnaire de la littérature française contemporaine. Paris : Larousse, 1966. Voir surtout Michel Ragon, Histoire de la littérature prolétarienne en France. Paris : Albin Michel, 1974.
- ↑ Y. Doré, « Mes amis les bouquinistes : Un prix « pas comme les autres » », Les Cahiers français , no 17, , p. 27–30 (lire en ligne, consulté le ).
- ↑ Le Peuple, 29 décembre 1934, début de parution en feuilletin des Damnées de la terre
- ↑ Publié en feuilleton à partir du 13 novembre 1936 dans le journal de la CGT Le Peuple
Voir aussi
[modifier | modifier le code ]Bibliographie
[modifier | modifier le code ]- Henry Poulaille, revue Entretiens, n° 33, éditions Subervie, Rodez, 1974, 186 p.
- À L’école de la vie, Cahiers Henry Poulaille, n°1, Éditions Plein Chant, 1989.
- Écrire le peuple, Cahiers Henry Poulaille, n°6, Éditions Plein Chant, 1993.
- Henry Poulaille, Itinéraire : une vie, une pensée , no 12, 1er semestre 1994, 92 pages, présentation en ligne.
- Thierry Maricourt, Henry Poulaille : (1896-1980), Manya, 1992.
- Jean-Paul Morel, Jérôme Radwan et Patrick Ramseyer, La littérature par le peuple par Henry Poulaille, Les Amis d'Henry Poulaille, Nouvel âge littéraire n°3, Plein chant, 2013.
- Gérard Cogez, "Henry Poulaille et la guerre", Journalisme et littérature dans la gauche des années 1930, Presses Universitaires de Rennes, 2014.
- Thierry Maricourt, Histoire de la littérature libertaire en France, Albin Michel, 1990, lire en ligne.
- « Le groupe Henry Poulaille », sur poulaille.org via Wikiwix (consulté le )
Articles connexes
[modifier | modifier le code ]Liens externes
[modifier | modifier le code ]- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistesVoir et modifier les données sur Wikidata :
- Ressource relative aux beaux-artsVoir et modifier les données sur Wikidata :
- Ressource relative à la vie publiqueVoir et modifier les données sur Wikidata :
- Ressource relative à plusieurs domainesVoir et modifier les données sur Wikidata :
- Dictionnaire mondial des littératures, Larousse, Henry Poulaille.
- Anarchiste français
- Écrivain français du XXe siècle
- Écrivain libertaire français
- Écrivain prolétarien
- Collaborateur du Libertaire
- Lauréat du prix des bouquinistes
- Titulaire du certificat d'études primaires
- Itinéraire : une vie, une pensée
- Naissance dans le 11e arrondissement de Paris
- Naissance en décembre 1896
- Décès en mars 1980
- Décès à 83 ans
- Décès dans le 14e arrondissement de Paris