10050e séance – après-midi
CS/16229

Ukraine: le sort des civils, et notamment des enfants, victimes de la guerre, préoccupe le Conseil de sécurité en cette « Journée mondiale de l’enfance »

À la demande du Danemark, de la France, de la Grèce, de la République de Corée, de la Slovénie et du Royaume-Uni, le Conseil de sécurité a tenu, cet après-midi, une réunion au cours de laquelle les interventions ont en majorité porté sur les attaques contre les infrastructures énergétiques d’Ukraine et la question des nombreuses victimes civiles, notamment les enfants, alors même que l’ONU célébrait la Journée mondiale de l’enfance. C’est la première réunion consacrée à l’Ukraine depuis près de deux mois.

Plusieurs voix ont évoqué un décompte macabre chez les tout petits, plaidant pour la nécessité d’un cessez-le-feu, dans un contexte où « aucune région d’Ukraine n’est à l’abri » et « chaque sirène d’alerte aérienne rappelle qu’aucun endroit n’est véritablement sûr », selon des propos de deux hautes fonctionnaires de l’ONU.

Le sort inquiétant des civils, notamment des enfants

Des frappes incessantes de missiles et de drones, jour et nuit, tuent et blessent des civils, détruisent des habitations et endommagent des infrastructures civiles essentielles, notamment des écoles, des centres de santé et des stations de distribution d’énergie, a rapporté Mme Edem Wosornu, Directrice de la Division de la gestion des crises au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

Le nombre total de victimes civiles en Ukraine pour la période de janvier à octobre 2025 dépasse déjà celui de toute l’année dernière, a déploré pour sa part la responsable pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques au Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix (DPPA). Mme Kayoko Gotoh a cité des chiffres confirmés par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme qui font voir que depuis le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Fédération de Russie en février 2022, 14 534 civils ukrainiens, dont 745 enfants, ont été tués. 38 472 autres civils, dont 2 375 enfants, ont été blessés.

Hôpitaux, immeubles d’habitation, voies ferrées, écoles, sites culturels, représentations diplomatiques et même crèches ont été touchés, a-t-elle poursuivi. Pas plus tard qu’hier, au moins 26 personnes, dont 3 enfants, auraient été tuées lors d’une attaque de drones et de missiles russes contre la ville de Ternopil, dans l’ouest du pays. Cette frappe effroyable intervient après une autre attaque massive, le 14 novembre, au cours de laquelle des centaines de drones russes et de nombreux missiles ont touché Kyïv, faisant au moins six morts et de nombreux blessés. La même attaque avait également endommagé l’ambassade d’Azerbaïdjan, soit le deuxième incident visant des locaux diplomatiques dans la capitale ces derniers mois, a dit Mme Gotoh.

La guerre affecterait de plus en plus les populations civiles à l’intérieur même de la Fédération de Russie, a-t-elle poursuivi. Selon les autorités russes, en 2025, les frappes de drones ukrainiens ont tué 392 personnes, dont 22 enfants, à la fois en Russie et dans les zones d’Ukraine occupées par la Fédération de Russie. Les Nations Unies ne sont pas en mesure de vérifier ni de confirmer ces informations et ces chiffres, a-t-elle précisé.

Le Royaume-Uni a dit penser, aujourd’hui, Journée mondiale de l’enfance, aux enfants ukrainiens « victimes de l’invasion illégale et de la politique belliciste impérialiste de la Russie ». Comme d’autres délégations, le pays a aussi mis l’accent sur les enfants ukrainiens enlevés de leurs foyers et de leurs communautés, évoquant même une tentative flagrante d’effacer l’identité ukrainienne et, par là même, l’avenir de l’Ukraine. L’Union européenne (UE) a pour sa part enjoint à Moscou et Minsk de garantir le retour en toute sécurité de tous les enfants ukrainiens transférés et déportés illégalement.

Respecter le droit international humanitaire

Selon Mme Gotoh, des informations font également état d’une intensification des frappes ukrainiennes contre les installations énergétiques et industrielles russes. Elle a rappelé que « les attaques contre les civils et les infrastructures civiles sont interdites par le droit international humanitaire ».

Les drones à courte portée, en particulier, ont un impact supérieur à celui de toute autre arme. Ils tuent et blessent des civils, frappent des habitations et perturbent les services essentiels, a relevé la Slovénie. Face à ce constat, l’Allemagne a souligné que le privilège d’être membre permanent du Conseil de sécurité sous-entend l’obligation de respecter la Charte des Nations Unies.

Dans ce contexte, depuis l’escalade des attaques contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes, l’ONU, par l’intermédiaire du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a continué de collaborer avec le Gouvernement ukrainien afin de renforcer la résilience et la durabilité du secteur énergétique. Une aide qui a bénéficié à plus de 6 millions de personnes dans les régions les plus touchées.

Selon l’OCHA, quelque 3,7 millions de personnes sont déplacées en Ukraine et près de 6 millions sont des réfugiés. Rien que cette année, environ 122 000 personnes ont été nouvellement déplacées, principalement en provenance des régions situées en première ligne du conflit. En outre, le financement demeure une contrainte majeure supplémentaire pour les opérations humanitaires. Sur les 2,63 milliards de dollars requis par le Plan de réponse humanitaire 2025, seuls 46% ont été reçus. Le volet hivernal est quant à lui couvert à 65%. Et, globalement, la crise croissante de la santé mentale laisse des millions de personnes sans soutien psychosocial.

Soutenir l’Ukraine dans son droit à la légitime défense

Nous œuvrons, a expliqué le représentant de la France, en faveur d’une paix juste et durable, sans capitulation de l’Ukraine. À ce propos, il a expliqué que la récente visite en France du Président ukrainien a permis la signature d’une déclaration d’intention sur la fourniture de 100 avions de chasse Rafale à l’Ukraine.

Au nom des États baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie), le représentant de la Lituanie a appelé les membres du Conseil à condamner les opérations hybrides « irresponsables » menées par la Russie et le Bélarus, qui risquent d’entraîner une nouvelle escalade. En rejetant tous les appels de la communauté internationale à mettre fin à la guerre, la Russie est selon lui « le seul obstacle à la paix ».

La République de Corée s’est à nouveau déclarée préoccupée par le soutien apporté à la Russie et la République populaire démocratique de Corée (RPDC), qui comprend des transferts illicites d’armes et de missiles balistiques, ainsi que des déploiements massifs de troupes. Selon certaines informations, 5 000 nouveaux membres du génie militaire nord-coréens ont récemment commencé à être envoyés en Russie, a-t-il indiqué, ajoutant que ces nouvelles recrues rejoignent les quelque 10 000 soldats nord-coréens déjà déployés le long de la frontière russo-ukrainienne, ainsi que 1 000 sapeurs-mineurs envoyés pour le déminage.

Alors que la plupart des orateurs ont promis de poursuivre leur soutien ferme à l’Ukraine, le représentant russe a battu en brèche « le mythe de l’invincibilité de l’armée ukrainienne ». Sur le front, a-t-il assuré, l’armée ukrainienne continue de subir beaucoup de pertes, tandis que la Russie continue son avancée sur tous les axes.

Or, a-t-il critiqué, « Zelenskyy veut prouver à ses parrains occidentaux que le front tient bon ». L’Europe, a-t-il ironisé, n’a plus d’argent pour l’Ukraine, car elle doit s’armer « pour se préparer à combattre la Russie d’ici à 2030 ». Il s’agit selon lui d’attiser « l’hystérie antirusse pour inquiéter l’Européen sensible ». « Vous avez affaire à une clique de corrompus qui s’engraissent grâce à la guerre et à votre argent », a lancé le représentant de la Fédération de Russie aux membres du Conseil.

Cessez-le-feu et plan de paix américain

Mme Gotoh a par ailleurs informé que la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, achève une visite en Ukraine, afin de maintenir l’attention sur l’évolution de la situation en Ukraine et de réitérer personnellement le message du Secrétaire général concernant la solidarité indéfectible de l’ONU avec le peuple ukrainien.

Elle a enfin réitéré l’appel, maintes fois lancé par le Secrétaire général, en faveur d’un cessez-le-feu total, immédiat et inconditionnel, première étape vers une paix juste, globale et durable en Ukraine.

Selon les États-Unis, la Russie et l’Ukraine doivent accepter un cessez-le-feu. Le pays a d’ailleurs invité la communauté internationale et notamment les pays européens à cesser d’acheter le pétrole russe. La délégation a elle-même élargi le régime de sanctions frappant Moscou en ciblant les deux plus grandes compagnies d’hydrocarbures du pays. La Chine s’est inquiétée des répercussions des sanctions unilatérales et a appelé à plus de coopération.

La délégation américaine a dit attendre que les parties réagissent à son plan de paix, tandis que l’UE, qui a promis de continuer son soutien à l’Ukraine, a évoqué ses efforts diplomatiques qui se poursuivront aux côtés de ses partenaires, États-Unis compris.

La paix, mais pas à n’importe quel prix

L’Ukraine a reçu le plan de paix américain et se dit prête à travailler en ce sens, mais, a souligné la déléguée, ses « lignes rouges » sont claires et n’ont pas changé. Elle s’oppose ainsi à toute reconnaissance formelle des territoires ukrainiens occupés par la Russie. Et revendique son droit souverain de choisir ses alliances. « Notre territoire n’est pas à vendre. » De même, l’Ukraine ne permettra pas une limitation de ses forces armées. La poursuite de l’appui à l’Ukraine est la seule façon de contraindre la Russie à négocier.

L’Ukraine a aussi réitéré sa demande d’une résolution du Conseil en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel afin d’entamer des pourparlers. En cette Journée mondiale de l’enfance, le pays a rappelé que des centaines de ses enfants ont été tués, des milliers blessés et de nombreux autres enlevés. Un projet de résolution sur le retour des enfants ukrainiens est en préparation par la délégation.

Selon le Danemark, il est important de parvenir à une paix qui ne récompense pas l’agresseur, laissant les autres pays se demander constamment s’ils seront les prochains. Allant dans le même sens, le représentant de la Roumanie a estimé qu’« on ne peut récompenser un agresseur qui, au fil de l’histoire, a récidivé ». La délégation a condamné la récurrence de violations de l’espace aérien roumain par des drones russes, précisant que la dernière incursion de ce type date d’hier.

Par la voix de la Suède, les pays nordiques ont dit qu’ils ne reconnaissaient « ni les sphères d’influence, ni les acquisitions territoriales par la force ». La Russie doit cesser immédiatement son agression, se conformer au droit international humanitaire et accepter que l’Ukraine ait « le droit souverain de choisir son propre avenir », a-t-elle martelé. Il est clair qu’aucune décision de paix concernant l’Ukraine ne peut être prise sans la participation de l’Ukraine, a appuyé la Grèce.

La Pologne a de son côté indiqué que les 15 et 16 novembre, deux actes de sabotage visant ses infrastructures ferroviaires ont été perpétrés par « deux saboteurs ukrainiens travaillant pour le compte des services de sécurité russes ». La reconstruction de l’Ukraine restera notre priorité absolue, a dit le délégué, rappelant que la Pologne accueillera la Conférence sur le relèvement de l’Ukraine en 2026, laquelle vise à mobiliser le soutien de tous les partenaires internationaux afin d’accélérer le redressement et la modernisation du pays.

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