Conseil de sécurité: l’engagement régional et le soutien de la communauté internationale à poursuivre face à la menace sécuritaire en Afrique de l’Ouest
Le Secrétaire général de l’ONU a appelé, ce matin au Conseil de sécurité, à des actions urgentes face à l’insécurité croissante en Afrique de l’Ouest et dans la zone sahélienne où le Mali subi depuis septembre des actions de blocus économique du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM).
Manifestant beaucoup d’inquiétudes lors de ce débat sur la consolidation de la paix en Afrique de l’Ouest, les délégations ont misé sur les initiatives conjointes régionales de lutte contre le terrorisme, qu’ils ont appelé à renforcer, dont l’Initiative d’Accra de 2017 qui réunit les efforts de sept pays pour éviter que le terrorisme provenant du Sahel ne se propage vers des pays tels que le Mali et le Burkina Faso.
« Si nous n’agissons pas avec détermination, le Sahel pourrait devenir un sanctuaire permanent pour les enclaves extrémistes, à quelques heures seulement des grandes métropoles mondiales », a mis en garde le Président de la Sierra Leone, M. Julius Maada Bio, qui préside la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), et qui dirigeait la séance de ce matin.
Le « terrorisme représente aujourd’hui une menace existentielle pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest », a reconnu le Président de la CEDEAO. Le fléau était initialement limité au Sahel et au bassin du lac Tchad, mais il menace maintenant les pays sahéliens comme les États côtiers. M. Omar Alieu Touray a cité les données du Réseau d’alerte précoce et de réponse de la CEDEAO, qui ont recensé environ 450 incidents terroristes et plus de 1 900 morts dans l’espace communautaire entre janvier et novembre 2025.
« Si le Sahel central concentre près de 80% des attaques et plus de 85% des victimes, aucune zone de la région n’est à l’abri. »
Un tableau sécuritaire sinistre
Alarmé par la situation, le Secrétaire général António Guterres s’est attardé sur le blocus économique imposé par le JNIM, qui isole Bamako et d’autres villes, perturbant les convois de carburant et coupant les axes commerciaux. Cette situation engendre d’énormes difficultés pour la population, dont 6,4 millions de personnes qui ont besoin d’aide humanitaire.
Pour ne rien arranger, l’architecture de coopération sécuritaire et politique dans la région s’est complètement effondrée, des pays ayant quitté la CEDEAO et la Force multinationale conjointe.
Autre lieu d’inquiétude, le Nigéria où des milliers de chrétiens se font massacrer, ont alerté les États-Unis qui ont accusé les membres de Boko Haram et d’autres groupes affiliés à Daech. « Comme l’a dit le Président Trump, les États-Unis n’entendent pas rester les bras croisés face à la situation », a rappelé son délégué qui a tout de même plaidé pour une riposte coordonnée des États de la région.
Toutefois, les ingérences extérieures ne sont pas les bienvenues, ont prévenu la Confédération des États de l’AES (Burkina Faso, Mali, Niger), par la voix du Mali, qui a dénoncé les sanctions jugées illégales et les menaces d’intervention militaire. Ces ingérences nuisent aux efforts de stabilisation, ont argué ces États en appelant plutôt à « une nouvelle approche fondée sur un dialogue constructif entre acteurs de la région ».
Le Ghana a souligné que la région compte 470 millions d’habitants à protéger, dont la moitié sont des femmes et des enfants, et une population jeune dont l’âge médian est de 18 ans. Il a fait valoir notamment que la victoire sur le terrorisme et l’extrémisme est une garantie pour la libre circulation des personnes, des biens et des services dans toute la région.
Une situation humanitaire catastrophique
Devant le blocus imposé par les terroristes au Mali, des hôpitaux et des écoles ferment leurs portes faute de carburant pour les générateurs, tandis que des centaines de milliers de personnes fuient les villes pour se réfugier dans les zones rurales ou dans les pays voisins comme le Burkina Faso, le Niger et la Mauritanie, s’est désolé le Secrétaire général.
Le Chef de l’ONU a prié de répondre aux besoins humanitaires. Il a rappelé que l’appel 2025 pour le Sahel et le bassin du lac Tchad (4,9 milliards de dollars) demeure largement sous-financé. Or un financement prévisible, opportun et flexible est essentiel pour un redressement rapide de la région.
Analyses des causes du terrorisme
Comme la plupart des intervenants, le Secrétaire général a évoqué l’étiologie de la situation régionale. Selon lui, les terroristes prospèrent là où le contrat social est rompu. Là où la gouvernance fait défaut, où le développement est au point mort, où les droits humains sont bafoués, où les communautés sont marginalisées, où la justice et la responsabilité font défaut. Bref, là où les citoyens n’ont plus confiance en leurs institutions, les terroristes trouvent des moyens d’exploiter le ressentiment de la population.
La France a fait remarquer que « la détérioration rapide de la situation au Sahel nous rappelle que les solutions exclusivement militaires ne sauraient suffire », surtout quand elles sont entachées de violences envers les populations et nourrissent le cycle de la violence.
Le terrorisme au Sahel prospère avec l’appui de leurs parrains et sponsors internationaux et étatiques, a constaté le Burkina Faso. Il se nourrit également de réseaux transnationaux impliqués dans le trafic d’armes, le blanchiment de capitaux et diverses formes de criminalité organisée.
Pour la Confédération des États de l’AES, le diagnostic est clair: le Sahel subit depuis plus d’une décennie un terrorisme soutenu par des acteurs étrangers, visant les civils, les infrastructures sociales et désormais les voies d’approvisionnement dans une stratégie de « terrorisme économique ».
La Confédération des États de l’AES a aussi condamné un « terrorisme médiatique » mené par une presse militante accusée de relayer la propagande des groupes terroristes. La délégation s’est jointe à la Fédération de Russie pour rendre hommage à la bloggeuse Mariam Cissé qui a récemment été exécutée par les terroristes dans la localité de Tonka. La Russie a aussi dénoncé une campagne d’information hostile, amplifiée par certains médias occidentaux, visant à déstabiliser les gouvernements sahéliens. Elle n’a pas manqué de rappeler que les difficultés actuelles découlent de la déstabilisation de la Libye en 2011 par les puissances occidentales.
Des réponses au niveau régional
Pour faire face à la situation, le Secrétaire général a plaidé pour une stratégie de sécurité renouvelée dans la région. Selon lui, cette crise régionale exige une réponse régionale unifiée, cohérente et fondée sur le consensus. Cela implique de restructurer l’Initiative d’Accra et de renforcer la Force multinationale d’intervention qui demeure la seule plateforme opérationnelle de coopération en matière de sécurité régionale en Afrique de l’Ouest et au Sahel.
Il a ensuite appelé à renforcer les opportunités économiques et la résilience, et de travailler avec le secteur privé pour créer des emplois et des moyens de subsistance durables. Il faut aussi s’attaquer aux conditions sous-jacentes du terrorisme et combler les besoins en matière humanitaire, en maintenant un soutien financier solide.
Le Président sierra-léonais a proposé un pacte CEDEAO-ONU-UA pour la paix et la résilience au Sahel, en se basant sur la résolution 2719 (2023) du Conseil de sécurité qui prévoit un soutien prévisible et durable de l’ONU aux opérations de soutien à la paix menées par l’Union africaine (UA). Il a également indiqué que la CEDEAO maintiendra « ses portes ouvertes » au Burkina Faso, au Mali et au Niger jusqu’à ce que leur réintégration complète soit possible.
Le Président de la CEDEAO, M. Omar Alieu Touray, a en outre mis en avant le déploiement prévu de la Force régionale face au terrorisme, selon un plan prévoyant de commencer par une brigade de 1 650 éléments qui sera portée progressivement à 5 000 hommes.
Avec le soutien de la communauté internationale
Selon le Burkina Faso, la lutte contre le terrorisme ne pourra être gagnée sans un accompagnement international cohérent, prévisible et exempt de considérations politiques nationales. Dans ce contexte, la Côte d’Ivoire a invité le Conseil de sécurité à s’impliquer davantage dans la consolidation de la coopération stratégique entre l’ONU et l’Union africaine, pour un appui adéquat aux opérations africaines antiterroristes et de stabilisation.
La Chine a appelé à renforcer le dialogue international, à améliorer les capacités de lutte antiterroriste des États de la région et à fournir une assistance adaptée couvrant financement, matériel et logistique, tout en respectant strictement la souveraineté et le leadership des pays concernés. La France a promis de continuer à collaborer avec tous les partenaires de la région qui le souhaitent, dans un cadre respectueux du droit international. L’Algérie a plaidé pour un renforcement de la collaboration en matière de renseignement et de surveillance des frontières.
Compte tenu de l’influence des discours extrémistes dans les zones de conflit la République de Corée a appelé les autorités compétentes à exploiter l’IA pour améliorer la détection des menaces, contrer les messages extrémistes et renforcer l’intégrité de l’information. C’est à ce titre que la délégation collabore avec le Bureau de lutte contre le terrorisme afin d’aider les États à développer des outils basés sur l’IA pour contrer les tactiques de désinformation des groupes extrémistes.
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