10025e séance – matin
CS/16202

République centrafricaine: progrès salués mais inquiétudes face au manque de fonds pour les élections générales et la poursuite du mandat de la MINUSCA

À l’approche des élections locales de décembre, une première depuis 37 ans en République centrafricaine, les délégations, ce matin au Conseil de sécurité, ont salué les progrès réalisés par le pays en matière politique et sur les plans de la sécurité et du développement, tout en faisant part de leurs inquiétudes devant le manque de fonds pour accompagner ce scrutin couplé aux municipales, aux législatives et à la présidentielle. Or, selon plusieurs délégations, dont les A3+ (Algérie, Sierra Leone, Somalie et Guyana), « les élections du 28 décembre constituent une occasion cruciale de consolider la paix, de renforcer les institutions démocratiques et de renouveler l’unité nationale ».

De même, alors que le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) expire le mois prochain, la Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la MINUSCA, Mme Valentine Rugwabiza, n’a pas caché les difficultés majeures que posent les demandes de réduction budgétaire suggérées par le Secrétariat « à une période très délicate pour le pays ». « Si la paix en République centrafricaine venait à chanceler, c’est une part de la crédibilité du système international qui vacillerait avec elle », a pour sa part mis en garde le délégué centrafricain.

Un processus électoral historique et très attendu

Dans son exposé devant le Conseil de sécurité, la Représentante spéciale a fait le point de l’avancement des préparatifs des élections locales, municipales, législatives et présidentielle prévues cette année. Elle a vu dans la tenue de ces scrutins non seulement une occasion importante de consolider les progrès réalisés dans la consolidation de l’autorité de l’État et de jeter les bases d’une gouvernance décentralisée, mais aussi de s’attaquer aux causes profondes des conflits récurrents.

Plus de 2,4 millions de personnes sont enregistrées sur le fichier électoral dont 47,2% sont des femmes, a expliqué la Cheffe de la MINUSCA en saluant l’appui technique de la MINUSCA et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) dans ce processus.

L’importance de ces élections a été soulignée à maintes reprises au cours de la réunion, le délégué centrafricain s’en félicitant puisque ces élections constituent « le socle sur lequel reposera la stabilité politique et la réconciliation nationale dans les années à venir ».

Son gouvernement, sous la conduite du Président de la République, a pris toutes les dispositions nécessaires pour garantir la transparence, la crédibilité et l’inclusivité du processus, a-t-il assuré avant d’inviter les partenaires du pays à combler le déficit de financement estimé à 12,4 millions de dollars pour permettre la tenue de scrutins véritablement libres et paisibles. La majorité des orateurs ont également demandé une mobilisation des donateurs à cette fin.

Une situation politique et sécuritaire prometteuse

Dans l’exécution de son mandat, Mme Rugwabiza a assuré donner la priorité à la protection des civils et au processus électoral ainsi qu’au processus de paix et aux efforts de désarmement et de démobilisation. Elle a salué le fait que le 7 octobre dernier, une cérémonie présidée par le Président Touadera a vu la dissolution de 11 des 14 groupes armés signataires de l’accord de paix. De même, 700 éléments de l’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC) et des anti-balaka ont été désarmés depuis juillet.

Néanmoins, la situation sécuritaire demeure difficile dans le sud-est et le nord-ouest du pays, aux frontières avec la République démocratique du Congo (RDC) et le Soudan. Des attaques venant du Soudan et des incursions de groupes armés créent des déplacements de population. À la frontière avec la RDC, la situation reste fragile en raison du groupe armé Azandé Ani Kpi Gbé ciblant les forces de sécurité centrafricaines et même la MINUSCA. Le groupe A3+, par la voix du Guyana, a réitéré à ce propos que la sécurité du personnel des Nations Unies est primordiale. « De même, les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables et peuvent constituer un crime de guerre. »

La Chine a demandé aux groupes armés de participer aux efforts de paix pendant que le Panama a appelé la communauté internationale à intégrer à la réponse humanitaire des mesures d’adaptation aux changements climatiques et de résilience communautaire, arguant que ce sont des éléments essentiels du processus de consolidation de la paix. D’autre part, la délégation panaméenne a réclamé des « enquêtes indépendantes et impartiales » sur toutes les allégations de violations des droits humains et du droit international humanitaire commises par des groupes armés, des forces étrangères ou des éléments associés à des opérations internationales.

L’avenir de la MINUSCA à l’heure de l’Initiative ONU80

Dans ce contexte, la Représentante spéciale a dit appuyer l’appel du Secrétaire général à reconduire d’un an le mandat de la Mission, avec les mêmes effectifs. Selon elle, « un soutien supplémentaire est nécessaire pour renforcer les institutions de sécurité et de défense nationales et ouvrir la voie à un transfert graduel et durable des tâches actuellement menées par la MINUSCA ». Rappelant qu’on lui avait demandé une réduction de 15% des dépenses de la Mission pour l’exercice 2025-2026, elle a dit s’exécuter en réduisant les personnels civils et en uniforme et certaines dépenses. Elle n’a pas caché cependant les difficultés majeures que cela pose à une période très délicate pour le pays.

« Je n’entrerai pas dans les détails concernant les raisons qui ont motivé ces mesures », a commenté la Fédération de Russie, assurant que « tous les participants à cette table savent parfaitement qu’elles résultent de la position assez agressive de l’un des membres permanents du Conseil de sécurité ». Elle a appelé à établir un dialogue direct entre les représentants du Secrétariat de l’ONU et de la MINUSCA et les membres du Conseil de sécurité, celui-ci devant comprendre quelles réductions spécifiques sont prévues et comment cela affectera la mise en œuvre des tâches clefs du mandat.

C’est à cet égard que le Président de la République centrafricaine a récemment adressé une lettre au Président du Conseil de sécurité afin d’attirer l’attention de la communauté internationale sur les risques majeurs que ferait peser une réduction du budget de la MINUSCA sur la stabilité du pays et sur la continuité de la paix. Selon le délégué centrafricain, « réduire aujourd’hui les capacités de la MINUSCA, ou son mandat, reviendrait à affaiblir les fondations mêmes de la stabilité que nous avons patiemment bâtie », et une telle décision aurait un impact direct sur la sécurité des civils, sur la crédibilité du processus électoral et sur la confiance que le peuple centrafricain place dans les Nations Unies.

« Si la paix en République centrafricaine venait à chanceler, c’est une part de la crédibilité du système international qui vacillerait avec elle », a encore mis en garde le délégué. Les A3+ ont également prévenu du risque que toute réduction significative du mandat de la Mission pourrait engendrer, non seulement pour le pays concerné qui pourrait voir ses progrès remis en question, mais aussi pour la région dans son ensemble.

Un avis partagé par d’autres délégations dont celle de la France: « Cela aurait des répercussions pour le reste de la région, alors que de nombreux États voisins sont en crise et que le nombre de réfugiés et de déplacés exerce une pression sur la situation humanitaire. »

« Les progrès récents en République centrafricaine nous semblent encourageants et ils ont été possibles notamment grâce à la MINUSCA », ont conclu les États-Unis tout en estimant que la Mission ne devrait pas s’ancrer dans le pays: elle doit envisager de transmette certaines de ses prérogatives au Gouvernement en particulier en matière de sécurité.

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