Conseil de sécurité: appels à préserver le fragile cessez-le-feu à Gaza et à engager la deuxième phase du plan de paix américain
Plus d’une semaine après l’entrée en vigueur du « fragile » cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, et la libération des otages, le Coordonnateur spécial adjoint pour le processus de paix au Moyen-Orient a invité les États Membres à saisir cet « élan crucial » car les dynamiques restent « extrêmement précaires ».
Après deux années d’une guerre dévastatrice et de souffrances humaines inimaginables, l’occasion se présente pour « clore un chapitre sombre de l’histoire du conflit israélo-palestinien et de tracer la voie vers un avenir plus juste et plus pacifique », a déclaré M. Ramiz Alakbarov qui intervenait dans le cadre d’un débat public du Conseil de sécurité consacré à la question de la Palestine. Il a toutefois mis en garde: « nous sommes à un moment charnière mais précaire », exhortant les parties à éviter à tout prix un retour au conflit.
« Un cessez-le-feu est enfin là, imparfait, volatile, violé, fragile mais il est là », a déclaré l’observateur de l’État de Palestine. Tout en reconnaissant qu’il existe de nombreuses raisons d’être sceptiques, il a souligné que « jamais auparavant une telle dynamique pour la paix n’avait existé ».
Le Président Trump a pesé de tout son poids pour parvenir à un cessez-le-feu et à la libération des otages, et l’État de Palestine s’engage à œuvrer avec l’Administration des États-Unis pour transformer ce cessez-le-feu fragile en paix durable, a assuré l’observateur qui s’est toutefois inquiété des efforts sapant la capacité de l’Autorité palestinienne à s’acquitter de ses responsabilités en Cisjordanie et à Gaza.
Brandissant une photographie sur laquelle des combattants du Hamas procèdent à des exécutions publiques, le représentant d’Israël a accusé le groupe d’avoir menti lors des négociations, lui reprochant notamment de ne pas avoir restitué toutes les dépouilles d’otages dans les 72 heures suivant la signature de l’accord.
Il a appelé à continuer de faire pression sur le Hamas pour qu’il dépose les armes et respecte le plan de paix, soulignant qu’il ne saurait y avoir de reconstruction de Gaza tant que la terreur persistera. « La paix ne peut pas vivre à côté de la terreur et chaque fois que le Hamas refuse de se désarmer, il pousse Gaza plus loin dans les ténèbres », a-t-il dit.
« Le boulot n’est pas terminé », a reconnu son homologue des États-Unis en reprenant à son compte les propos du Président Trump. Outre la restitution des dépouilles des otages restants, il a lui aussi exhorté le Hamas à se désarmer, soulignant que le groupe « n’a pas d’avenir à Gaza ». Il y aura de « graves conséquences » en cas de violation de l’accord et du cessez-le-feu, a-t-il prévenu.
Le cessez-le-feu reste fragile et il ne faudrait pas qu’il connaisse le même sort que les accords de janvier, a néanmoins mis en garde la Fédération de Russie, non sans reconnaître que l’implication personnelle du Président Trump et sa volonté de mettre fin au carnage à Gaza ont donné l’impulsion nécessaire à la conclusion de l’accord. « Les combats ne doivent reprendre sous aucun prétexte. »
Un nouvel avis de la CIJ
Décrivant une situation humanitaire « catastrophique », marquée par des destructions massives et un accès très limité aux services essentiels, M. Alakbarov a fait savoir que depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, l’ONU et ses partenaires humanitaires ont intensifié leurs opérations à Gaza. Grâce à une meilleure coopération des autorités israéliennes, l’aide humanitaire entrant dans l’enclave a augmenté de 46% durant la première semaine de trêve, s’est-il réjoui. Un plan d’urgence de 60 jours prévoit en outre la simplification des procédures douanières, l’élargissement des routes d’accès et le rétablissement des services vitaux.
Le Coordonnateur spécial adjoint a exhorté Israël à coopérer de bonne foi avec l’ONU, rappelant l’avis consultatif rendu hier, 22 octobre, par la Cour internationale de Justice (CIJ), et qui conclut, entre autres, qu’Israël est tenu de remplir ses obligations en vertu du droit international en ce qui concerne la facilitation de l’aide à la population de Gaza et de coopérer de bonne foi avec l’ONU.
Cet avis a été salué par la majorité des délégations, notamment la France, qui a réaffirmé le rôle irremplaçable de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), tandis que le Guyana a critiqué « l’attitude belliqueuse » d’Israël envers les organisations internationales opérant dans le territoire palestinien occupé. Les États-Unis ont en revanche dénoncé un avis « politisé » offrant « carte blanche » à l’UNRWA, en raison de ses liens supposés avec le Hamas.
La Chine a rappelé qu’en tant que Puissance occupante, Israël devait garantir l’entrée à grande échelle de l’aide humanitaire, tandis que plusieurs délégations, dont la Somalie et l’Algérie, ont appelé à une action rapide pour consolider la trêve et éviter que la violence ne compromette les efforts de relèvement.
Reconstruction
La Somalie et l’Algérie ont plaidé pour un plan de reconstruction global de Gaza, qui doit devenir « une mission collective » sous l’égide de l’ONU et des partenaires régionaux. Le Coordonnateur spécial adjoint a d’ailleurs souligné que la consolidation du cessez-le-feu et la relance économique sont indissociables du processus politique.
Toutefois, plusieurs délégations, dont le Royaume-Uni et la Slovénie, ont mis en garde contre les développements alarmants en Cisjordanie, dénonçant l’annexion de territoires, les violences de colons et les déplacements forcés. La détérioration continue de la situation en Cisjordanie compromet toute possibilité de paix, s’est inquiété le Panama. On ne peut pas permettre que la Cisjordanie devienne un autre foyer de guerre comme celui qui s’est produit à Gaza.
Le représentant de l’Algérie a pointé, pour sa part, le vote, hier à la Knesset, de deux textes visant à faire avancer un projet de loi d’annexion de la Cisjordanie et des colonies de peuplement. « Cela révèle, une fois de plus, la nature coloniale de l’occupation », a-t-il dit.
Force de stabilisation
Convaincue qu’il appartenait désormais à la communauté internationale de transformer le cessez-le-feu en une paix durable, la France a plaidé pour le déploiement, à l’invitation de l’Autorité palestinienne, d’une force internationale de stabilisation mandatée par le Conseil de sécurité, avec un soutien régional et international approprié.
La Grèce a appuyé cette proposition, invitant le Conseil à définir sans délai le mandat de cette force, sous coordination américaine. Plusieurs délégations ont souligné en outre que seule une stabilisation durable sur le terrain permettrait de garantir la reconstruction, la sécurité des civils et la reprise du processus de paix.
Une nouvelle génération peut s’éveiller dans une région très différente, où aucune personne n’est tuée, enlevée ou torturée, où la coopération et la coexistence remplacent l’occupation et le conflit, où une sécurité partagée succède à la guerre perpétuelle. Le temps de la paix est venu, a espéré l’observateur de l’État de Palestine.
Interventions des États non membres
Si Oman, au nom du Groupe des États arabes, a salué le cessez-le-feu conclu le 13 octobre, il a estimé que sa consolidation de manière globale et permanente est une responsabilité collective. Le nouveau plan de paix, qui comprend les résultats de Charm el-Cheikh et la Déclaration de New York, représente une vaste opportunité arabe, islamique et internationale à ne pas manquer, a souligné le Groupe, suivi du Japon qui a dit sa disponibilité à contribuer activement à la mise en œuvre du Plan de paix pour Gaza en 20 points.
Le Groupe des États arabes a également souligné la nécessité d’activer un mécanisme international de surveillance efficace afin de garantir le plein respect du cessez-le-feu et la libre circulation de l’aide humanitaire. Il a d’ailleurs réitéré son plein soutien à l’UNRWA, « bouée de sauvetage pour des millions de réfugiés palestiniens », et condamné fermement toute tentative visant à saper son mandat ou à empiéter sur son rôle humanitaire.
Le rôle central de l’UNRWA pour la prise en charge des réfugiés de Palestine a également été mis en avant par la Jordanie, de même que par le Président du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien qui appelé au rétablissement urgent des services de base pour la population civile palestinienne.
L’avis consultatif rendu hier par la CIJ souligne l’absence d’ambiguïté juridique concernant les obligations d’Israël de faciliter et de respecter les mandats des institutions internationales et humanitaires opérant dans le Territoire palestinien occupé, a fait observer l’Afrique du Sud.
Dans la perspective de la reconstruction de Gaza, l’Allemagne, de concert avec l’Égypte, qui a accueilli le sommet de la paix à Charm el-Cheikh, et d’autres partenaires, entend organiser dans les semaines à venir une conférence sur la question. La reconstruction ne pourra se faire sans l’assistance de la communauté internationale, a souligné l’Inde, tandis que l’Union européenne a dit être prête à contribuer au relèvement de Gaza, ainsi qu’à la réforme en cours de l’Autorité palestinienne, en vue de son retour dans la bande. Le Hamas ne peut jouer aucun rôle dans l’avenir de Gaza, a souligné l’Allemagne.
De même, plusieurs délégations ont exprimé leur soutien au déploiement d’une force internationale de stabilisation, à l’instar de l’Indonésie, qui est déjà prête à proposer 20 000 de ses soldats pour cette entreprise.
Appels au respect du droit international
La Jordanie a condamné l’approbation par la Knesset de deux projets de loi visant notamment à imposer la souveraineté israélienne sur la Cisjordanie occupée et les colonies de peuplement illégales. Le Qatar a pointé le projet de construction d’une colonie qui séparerait Jérusalem-Est de la Cisjordanie, ainsi que les déclarations concernant la prétendue « Vision du Grand Israël », y voyant une violation de la souveraineté des États.
Le Canada a souligné que ces colonies compromettent les perspectives d’une solution à deux États; l’Organisation de la coopération islamique (OCI), par la voix de la Türkiye, appelant pour sa part le Conseil à déployer des efforts concrets pour mettre fin à l’occupation illégale israélienne. Le Brésil a exhorté de son côté à combattre l’impunité.
La paix également pour le Liban, la Syrie et le reste du Moyen-Orient
De son côté, l’Iran a indiqué que « l’agression et les actes criminels d’Israël ne se limitent pas à Gaza », dénonçant les attaques contre la Syrie, le Liban, le Yémen, ainsi que l’acte d’agression contre le Qatar.
Les attaques israéliennes répétées sur les terres syriennes ont également été condamnées par le Groupe des États arabes, tandis que le Liban a dit avoir démontré sa volonté de coopérer avec la médiation américaine pour parvenir à une solution politique durable fondée sur le dialogue et la négociation.
Affirmant que le Golan restera syrien, la Syrie a appelé le Conseil de sécurité à prendre des mesures déterminées pour mettre fin aux violations israéliennes.
Enfin le Venezuela, au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, a souligné que rester silencieux ou indifférent face à la cause palestinienne reviendrait à condamner l’ONU au même sort que la défunte Société des Nations, « une institution qui a péri faute d’avoir empêché le triomphe de l’injustice et de la guerre ».
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