10021e séance - matin
CS/16198

Le Conseil de sécurité se penche sur la difficile transition de la Syrie vers une société sûre, inclusive et prospère

Les membres du Conseil de sécurité ont souligné, ce matin, les défis colossaux auxquels la Syrie en transition continue de faire face depuis la chute du régime Assad en décembre 2024. Le processus politique en cours, le redressement économique, la sécurité du pays ainsi que l’aide humanitaire dont la population syrienne continue largement de dépendre ont été au cœur des interventions, et la Syrie a été exhortée à plusieurs reprises à s’engager sur la voie d’une société inclusive, sûre et prospère.

La délégation syrienne a donné des gages de réussites du Gouvernement de transition syrien, son représentant appelant les pays à saisir « l’occasion en or que représente l’accompagnement de l’histoire qui est en train de s’écrire dans l’un des lieux les plus anciens du monde ». La Syrie respectera son engagement de ne plus être une menace pour la sécurité régionale, a-t-il également déclaré.

L’Envoyée spéciale adjointe du Secrétaire général pour la Syrie, Mme Najat Rochdi, a placé son exposé sous le signe du vingt-cinquième anniversaire de la résolution 1325 du Conseil de sécurité, notant que 10 mois après la formation du gouvernement, le sentiment dominant chez de nombreuses femmes syriennes est que le processus de transition politique vers une gouvernance inclusive du pays n’est pas à la hauteur de leurs attentes et des engagements pris.

Elle en a voulu pour preuve que sur 119 sièges, seulement 6 ont été pourvus par des femmes à l’Assemblée du peuple le 5 octobre, notant en outre que le Comité suprême des élections lui-même a souligné que « la proportion de femmes est incompatible avec le rôle sociétal et politique que les femmes syriennes jouent depuis longtemps ».

Pour Mme Rochdi, comme pour les délégations française et britannique notamment, il faut que soient prises des mesures claires pour empêcher l’exclusion des femmes aux postes clefs de direction du pays, une transition réussie exigeant la défense du plein exercice des droits des femmes syriennes. De même les membres du Conseil ont-ils souhaité que les élections reportées à Raqqa, Hassaké et Soueïda contribuent à rendre l’Assemblée plus représentative des différentes communautés constitutives de la Syrie.

L’avenir du pays doit reposer sur la pleine représentation politique de toutes les communautés religieuses et ethniques, et nous espérons que les autorités syriennes prendront des mesures plus audacieuses en ce sens, a abondé la représentante de la Grèce.

De son côté, le représentant syrien a voulu voir dans la présentation de 1 500 citoyens aux élections législatives du 5 octobre, l’ouverture d’une nouvelle ère de liberté en Syrie. Il a de même estimé que le retour dans leur pays d’un million de réfugiés est une marque de confiance dans les politiques menés par le Gouvernement de transition.

Levée des sanctions – des points de vue contrastés

En ce qui concerne le soutien à l’économie syrienne après 14 ans de conflit et des décennies de régime dictatorial, Mme Rochdi a considéré que les sanctions frappant la Syrie doivent être levées, à plus grande échelle et plus rapidement, pour permettre à la transition de réussir. Elle a plaidé en ce sens pour un allégement des contrôles à l’exportation et salué l’appel du Gouvernement américain pour que soit facilitée la reprise des investissements étrangers et la reconstruction.

Pour l’Algérie, qui s’exprimait au nom des A3+ (Algérie, Sierra Leone, Somalie et Guyana), il ne saurait y avoir de paix sans développement en Syrie. C’est pourquoi, les bailleurs de fonds doivent honorer leurs engagements au titre du Plan de réponse humanitaire, lequel, comme l’a indiqué le Directeur de la Division de la coordination du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), n’a été financé à ce jour qu’à hauteur de 19%. M. Ramesh Rajasingham a alerté sur le fait que, dans les conditions actuelles de sous-financement, le Programme alimentaire mondial (PAM) pourrait réduire son aide dès janvier prochain, avant de rappeler le lien étroit qui existe entre l’octroi d’une aide internationale répondant aux besoins et la prévention de la violence.

La levée des sanctions pour redonner du souffle à l’économie syrienne et la sortir de la dépendance à l’aide internationale a donné lieu à des propos contrastés. Si les États-Unis ont appelé le Conseil de sécurité à envisager le retrait des mesures prises contre certains membres du Gouvernement syrien visés par la résolution 1267 (1999), et si le Royaume-Uni a annoncé avoir retiré l’entité Hay’at Tahrir el-Cham de sa liste nationale des organisations terroristes pour améliorer sa collaboration avec le Gouvernement syrien, la Fédération de Russie et la Chine ont fait entendre une voix différente.

« L’allégement, par des pays occidentaux, des sanctions économiques qui pèsent depuis des années sur le développement et le relèvement de la Syrie à saluer », a accordé le représentant russe qui s’est cependant inquiété de ce que ces décisions aient été prises en « contournant » les processus en vigueur du Conseil de sécurité. De même, la Chine a estimé que toute modification des régimes de sanctions en place doit être décidée sur la base de discussions préalables prenant en compte les préoccupations de l’ensemble des parties.

Un contexte sécuritaire qui demeure fragile

Au chapitre de la sécurité, les intervenants ont souligné que les tout récents affrontements dans le nord-ouest du pays, trois mois à peine après les incidents dramatiques de Soueïda, venaient rappeler la fragilité persistante de l’environnement sécuritaire, laquelle pèse sur les processus politique et économique de transition en Syrie. Mme Rochdi a rappelé que, dans ce contexte, l’ONU attend plus que jamais des parties prenantes à l’accord du 10 mars 2025 qu’elles poursuivent le dialogique pour la désescalade, la protection des civils et la réconciliation, cette mise en œuvre étant essentielle pour la stabilité durable de la Syrie.

En outre, pour les A3+, la Russie, Oman au nom des États arabes, le Pakistan et la Syrie elle-même, les incursions territoriales israéliennes en cours dans le sud syrien doivent cesser. La Russie a ainsi exhorté Israël à mettre un terme à ses frappes menées « au prétexte de protéger les Kurdes et les Druzes », tandis que les A3+ ont appelé à la pleine mise en œuvre de l’Accord sur le dégagement de 1974, notant que la présence des Forces de défense israéliennes dans le Golan syrien entrave les efforts de reconstruction de la Syrie.

« La France appelle à une Syrie souveraine et vivant en paix avec ses voisins », a de son côté déclaré le représentant français, qui a de plus estimé que le rapprochement entre la Syrie et le Liban marque un nouveau chapitre dans leur relation bilatérale, fondée sur le respect mutuel. Il a appelé Israël à saisir « l’occasion historique » que constitue une Syrie désireuse de pacifier ses relations avec ses voisins, en mettant fin immédiatement à ses activités militaires sur le territoire syrien et en se retirant de la zone occupée.

Également préoccupée par les revendications susceptibles de fragiliser la cohésion nationale syrienne, la Türkiye a dénoncé les pratiques coercitives des Forces démocratiques syriennes (FDS), qu’elle a accusées d’attiser les tensions locales et de restreindre les libertés éducatives, notamment au sein de la communauté chrétienne.

Enfin, l’Envoyée spéciale adjointe et les États-Unis ont avancé que les rencontres récentes entre le Secrétaire général de l’ONU et le Président Trump avec le Président Al-Sharaanepouvaient qu’inciter la communauté internationale à accompagner les autorités et le peuple syriens dans l’écriture des prochains chapitres de l’histoire de la Syrie. « Une Syrie sûre, inclusive et prospère pour tous », comme l’a souhaité Mme Rochdi.

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