10053e séance – après-midi
CS/16233

Libye: le Conseil de sécurité prolonge de six mois les autorisations d’inspection au large du pays dans le cadre de l’embargo sur les armes

Par 13 voix pour et 2 abstentions (Chine et Fédération de Russie), le Conseil de sécurité a adopté, cet après-midi, la résolution 2804 (2025) qui prolonge de six mois les autorisations visées dans la résolution 2780 (2025) adoptée le 29 mai dernier. En vertu du nouveau texte et des précédents depuis 2016, le Conseil demande aux États Membres, agissant au niveau national ou par l’intermédiaire d’organisations régionales, d’inspecter en haute mer, au large des côtes libyennes, les navires à destination ou en provenance de la Libye, dont ils ont des motifs raisonnables de croire qu’ils violent l’embargo sur les armes imposé à ce pays depuis 2011.

Avant l’adoption, la France, corédactrice avec la Grèce, a indiqué que ce texte contribue au renforcement de l’embargo sur les armes, mesure qui, selon elle, se justifie encore plus dans le contexte de la feuille de route pour la relance du processus politique en Libye. « La réunification de toutes les institutions suppose en effet que les forces en présence renoncent à la tentation de l’escalade armée », a souligné le représentant français.

À cette fin, l’opération navale IRINI de l’Union européenne (UE), la seule mandatée à cet effet, « agit de manière professionnelle, impartiale et efficace », en coopérant avec la Libye et les pays voisins, et aux côtés de tous les États Membres, a-t-il précisé, ajoutant que d’autres États peuvent compléter son action en menant des inspections, comme les y encourage le Secrétaire général de l’ONU.

Après l’adoption, la Grèce a insisté à son tour sur le respect de l’embargo sur les armes pour éviter toute escalade et ouvrir la possibilité d’une paix pérenne en Libye.

La Chine et la Fédération de Russie, critiques de l’opération IRINI

La Fédération de Russie a justifié son abstention en constatant que les objectifs du mécanisme d’inspection de navires en haute mer au large des côtes libyennes « ne sont toujours pas atteints », le territoire libyen restant « jonché d’armes de tous types, activement utilisées par les nombreux groupes armés qui dominent le terrain ».

Selon la déléguée russe, cela s’explique en grande partie par le fait que la mise en œuvre du régime d’inspection « repose de facto sur la seule responsabilité de l’Union européenne et de son opération navale IRINI ». Or, malgré le satisfecit exprimé par Bruxelles, « aucune réduction significative du volume des livraisons illégales d’armes à la Libye n’a été observée », a-t-elle asséné.

Sur la même ligne, la Chine a expliqué s’être abstenue en raison des « manquements » de l’opération IRINI, qui en outre n’agit pas en coopération avec la Libye. La délégation a regretté le manque de transparence et d’efficacité de cette opération militaire de l’UE, en place depuis 2020.

Les autres membres entre réserves et appui au dispositif actuel

Dans la même logique, le représentant de l’Algérie, qui s’exprimait au nom des A3+ (Algérie, Sierra Leone, Somalie et Guyana), a relevé qu’en dépit de plus de 2 000 inspections menées par l’opération IRINI, l’embargo reste largement inefficace face aux flux d’armes, notamment par air et mer. Il a insisté sur la nécessité d’une meilleure transparence et d’une plus grande responsabilité, ainsi que d’un renforcement de la coopération entre l’UE et le Gouvernement libyen.

Les A3+ ont également demandé une action urgente contre le trafic de carburant, qui finance des groupes armés dans la région et a déjà coûté quelque 20 milliards de dollars à l’État libyen. Ils ont appelé le Conseil de sécurité à agir contre les violations de l’embargo et à soutenir un processus politique libyen dirigé par les Libyens, tout en réaffirmant leur attachement à la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’unité nationale de la Libye.

Le Pakistan a, pour sa part, estimé que la prolongation de six mois offrira aux parties concernées l’occasion d’évaluer l’efficacité réelle des inspections. Les deux derniers rapports du Secrétaire général indiquent en effet l’absence de résultats tangibles en matière de confiscation d’articles prohibés, ce qui renforce la nécessité d’un examen approfondi de la mise en œuvre de l’embargo, a fait valoir le délégué pakistanais.

La représentante du Royaume-Uni s’est, quant à elle, déclarée satisfaite d’avoir voté en faveur du texte. L’embargo onusien sur les armes, que l’opération IRINI contribue à faire respecter, joue un rôle essentiel pour la sécurité et la stabilité en Libye et pour créer des conditions favorables au processus politique, a-t-elle soutenu. Un avis partagé par son homologue du Danemark, selon laquelle, faute de mieux, l’opération IRINI « doit continuer son travail ».

Dans le même ordre d’idées, la représentante des États-Unis a réaffirmé l’appui de Washington à la mise en œuvre de l’embargo sur les armes, tout en appelant la Libye à « assumer pleinement la responsabilité de sa propre sécurité ».

Elle s’est également félicitée de l’intensification des consultations avec les autorités libyennes concernant les modalités futures du dispositif, et a remercié l’opération de l’UE pour les ressources mobilisées afin de surveiller les activités illicites au large des côtes libyennes. Selon elle, l’opération IRINI a aussi « un rôle crucial à jouer » dans le recueil et la transmission d’informations au Groupe d’experts assistant le Comité des sanctions pour la Libye.


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LA SITUATION EN LIBYE

Texte du projet de résolution (S/2025/762)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant sa résolution 1970 (2011) imposant l’embargo sur les armes à la Libye et toutes ses résolutions ultérieures sur la question,

Rappelant également ses résolutions 2292 (2016), 2357 (2017), 2420 (2018), 2473 (2019), 2526 (2020), 2578 (2021), 2635 (2022), 2684 (2023), 2733 (2024) et 2780 (2025) concernant le strict respect de l’embargo sur les armes en haute mer au large des côtes libyennes,

Réaffirmant sa résolution 2796 (2025),

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1. Décide de prolonger les autorisations visées dans la résolution 2780 (2025) pour une nouvelle période de six mois à compter de la date de la présente résolution;

2. Prie le Secrétaire général de lui faire rapport, cinq mois après l’adoption de la présente résolution, sur l’application de celle-ci;

3. Décide de rester activement saisi de la question.

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