L’Assemblée générale débat de la revitalisation de ses travaux et du rôle de l’ECOSOC à l’heure des coupes budgétaires
À l’occasion d’une séance plénière d’une grande densité, l’Assemblée générale a débattu, aujourd’hui, de la revitalisation de ses travaux et de l’application des résolutions de l’ONU, alors que l’Organisation, qui désignera l’an prochain son prochain Secrétaire général, est en proie à des graves difficultés financières. L’ombre des coupes budgétaires a également plané sur l’examen du rapport 2025 du Conseil économiques et social (ECOSOC), présenté par son Président sortant, M. Bob Rae (Canada), auquel l’Assemblée a rendu un hommage appuyé, 48 heures avant son départ à la retraite.
« Des décisions difficiles nous attendent », a prévenu la Présidente de la quatre-vingtième session de l’Assemblée en ouvrant le débat sur la revitalisation des travaux de l’organe. Un processus qui se fait dans le cadre d’une réforme plus large, l’Initiative ONU80 lancée par le Secrétaire général, a rappelé Mme Annalena Baerbock, pour qui ces deux efforts sont liés et visent à rendre l’ONU « plus efficace, plus efficiente et plus forte ».
En tant qu’instance de débat politique et de prise de décisions, l’Assemblée générale doit « montrer la voie », a estimé sa Présidente en plaidant pour une rationalisation et une optimisation de ses méthodes de travail. « Il faut moins de résolutions répétitives, des débats plus courts et une planification plus intelligente », a-t-elle souligné, avant de saluer les propositions avancées par la résolution 79/327 pour améliorer l’efficacité de l’organe et de ses grandes commissions.
Mme Baerbock a ainsi cité la mise en commun de plusieurs points de l’ordre du jour et la réduction de la fréquence, de la longueur et du nombre des résolutions, avec une périodicité triennale ou biennale, des explications de vote limitées à 5 minutes et une simplification des procédures d’adoption.
Mais attention, « on ne peut pas appeler à moins de résolutions et en proposer de nouvelles le lendemain », a-t-elle tancé, regrettant également que 160 manifestations parallèles aient été organisées lors de la semaine de haut niveau « alors qu’on appelle à moins ou pas du tout ».
À ses yeux, le maintien d’un nombre toujours aussi élevé de résolutions et de réunions « n’est pas durable » au regard de la situation budgétaire. Il est même contradictoire avec les appels lancés par les États Membres, « notamment par les petites délégations qui ne peuvent participer à trois réunions en même temps ». La Présidente a donc invité chacun à « retrousser ses manches » et à « travailler en équipe », soulignant que l’Initiative ONU80 « dépend de vous ».
Une revitalisation souhaitée, mais une rationalisation redoutée
Cet appel a été diversement apprécié par les délégations. Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), la Malaisie a salué les efforts entrepris pour améliorer les méthodes de travail de l’Assemblée et a insisté sur la mise en œuvre concrète des réformes afin d’optimiser l’utilisation des ressources. Même réaction de la part de l’Inde, du Japon et de l’Arabie saoudite, celle-ci voyant les efforts de revitalisation et l’Initiative ONU80 comme « une occasion de renforcer la coopération internationale et de bâtir une organisation plus coordonnée, capable de faire face aux défis mondiaux ».
S’exprimant au nom du groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), l’Australie a plaidé pour la bonne mise en œuvre de la résolution 79/327. Ce texte encourage les gains d’efficience, a-t-elle rappelé en se félicitant, entre autres mesures, des adoptions de résolutions par consensus, « d’un seul coup de marteau ». Autre mesure utile, selon elle: l’adoption « par lots » des nouveaux jours, mois et années internationaux, « ce qui aidera les petites délégations à participer aux travaux de l’Assemblée ».
D’autres pays ont en revanche pris quelques distances avec ces efforts. Insistant sur la nécessaire implication des pays en développement dans l’amélioration des méthodes de travail et de l’ordre du jour de l’Assemblée, l’Algérie a souhaité que l’Initiative ONU80 « ne détourne pas l’attention » des priorités fondamentales de ces pays. Un avis partagé par l’Égypte, pour qui la rationalisation des mandats « n’est pas une fin en soi », ainsi que par le Brésil, qui a mis en garde contre l’utilisation politique d’un tel processus.
La délégation australienne a par ailleurs demandé plus de transparence et de redevabilité en ce qui concerne l’utilisation du droit de veto, rejointe sur ce point par l’Estonie, qui, parlant au nom du Groupe Responsabilité, cohérence et transparence (Groupe ACT), a rappelé qu’en cas de paralysie du Conseil de sécurité, l’Assemblée générale a un rôle actif à jouer en matière de paix et de sécurité. L’« Initiative veto » s’est montrée pertinente à cet égard, a-t-elle estimé.
La sélection du prochain Secrétaire général dans tous les esprits
Pour ce qui est du processus de sélection et de désignation du prochain Secrétaire général, Mme Baerbock a noté que la résolution 79/327 définit les principes de cette « priorité commune ». Elle a dit travailler étroitement avec le Président du Conseil de sécurité pour que ce processus soit « inclusif et transparent ». Sur la même ligne, l’Union européenne a dit attendre avec intérêt la mise en œuvre de ces dispositions, considérant qu’il s’agira d’une étape importante de la quatre-vingtième session de l’Assemblée.
À ce sujet, le Groupe ACT a souligné l’importance des auditions publiques de l’Assemblée avec les candidats. Il a en outre recommandé que le Conseil de sécurité propose au moins deux candidats à l’Assemblée, et qu’une session interactive supplémentaire soit organisée avec tout candidat recommandé par le Conseil avant sa nomination officielle. Dans le même ordre d’idées, l’Arabie saoudite a proposé la tenue d’un débat entre les candidats.
Inclusivité oblige, un grand nombre de délégations ont plaidé pour une féminisation des postes à responsabilités de l’ONU, à commencer par celui de Secrétaire général de l’Organisation. S’exprimant au nom de l’Espagne, du Mexique et de son propre pays, le représentant de la Slovénie a exhorté les États Membres à respecter le principe de l’égalité des genres pendant le processus de candidature, de sélection et de désignation du prochain chef de l’ONU. « Il faut qu’à la fin de cette quatre-vingtième session, nous ayons une femme présidente de l’Assemblée et une femme secrétaire générale », a-t-il lancé, jugeant que « le moment est venu de faire preuve d’audace ».
Une position largement partagée par les délégations présentes, à l’instar de la France, qui a appelé à présenter des candidatures féminines pour les postes des hauts cadres des Nations Unies, « y compris le ou la Secrétaire général(e) ». Un équilibre des genres soutenu également par l’Égypte ou encore la Chine, tandis que le Brésil se prononçait pour la désignation d’une « femme qualifiée de la région Amérique latine et Caraïbes » à la tête de l’Organisation, se disant prêt à proposer des candidates compétentes.
L’ECOSOC, reflet de l’éventail des missions socioéconomiques de l’ONU
En début de séance, l’Assemblée générale s’est concentrée sur le rapport de la session 2025 de l’ECOSOC, l’occasion pour Mme Baerbock de rappeler que le travail de cet organe « reflète l’éventail des missions socioéconomiques de l’ONU ». Elle en voulu pour preuve les discussions de l’an dernier sur des questions aussi diverses que la situation des enfants en Haïti, le besoin d’approches durables pour protéger les réfugiés et les communautés d’accueil, les questions fiscales et l’impact des armes légères et de petit calibre pour le développement durable, ou encore l’adoption d’une résolution sur le trafic illicite de la faune et de la flore.
Outre ses délibérations de haut niveau, l’ECOSOC est une plateforme pour la redevabilité du système de développement de l’ONU, a poursuivi la Présidente de l’Assemblée, avant d’inviter ses Membres à « opérer une transition dans le cadre de l’Initiative ONU80 », afin de rationaliser et optimiser les travaux du Conseil. Selon elle, l’ECOSOC doit garantir « la cohérence, l’efficacité et l’impact » de ses mesures.
À sa suite, le Président sortant de l’ECOSOC a sommé les États Membres de s’acquitter de leurs obligations financières. En ces temps de crise de l’ONU, tous doivent contribuer au changement, a affirmé M. Bob Rae, ajoutant que « l’ONU n’est pas un menu, où on choisit la mission que l’on veut financer et pas une autre ». De fait, « les contributions financières doivent être versées », a-t-il martelé.
Dressant le bilan de l’année écoulée, il a dit avoir « beaucoup appris », notamment à l’occasion des forums sur la jeunesse et sur la science, la technologie et l’innovation. Soulignant la nécessité de tisser les liens avec les institutions financières internationales, il a jugé que « travailler de façon isolée n’a aucun sens ». À quelques jours de sa retraite, il a aussi livré quelques réflexions personnelles, en brandissant la Charte des Nations Unies.
Hommage des délégations au « travail remarquable » de Bob Rae
« Il est faux de dire que les questions sociales et économiques sont sans importance: elles sont au cœur du travail de l’ONU, de même que les droits humains », a insisté M. Rae, dénonçant le « mensonge » selon lequel la principale prérogative de l’Organisation serait la paix et la sécurité, et que « tout le reste » serait facultatif. De surcroît, même s’ils ne sont pas mentionnés dans la Charte, « les changements climatiques sont un autre défi clef pour l’avenir du monde », a-t-il relevé, chaleureusement applaudi par des États Membres reconnaissants.
Les délégations ont rendu hommage à son action à la tête de l’ECOSOC. M. Rae a « réhaussé le rôle de l’ECOSOC », a estimé son successeur, M. Lok Bahadur Thapa (Népal), qui a dit vouloir « pérenniser cet élan et renforcer le rôle de l’ECOSOC, catalyseur du multilatéralisme inclusif ». Il a permis à l’ECOSOC d’être « la chambre des peuples », a salué l’Union européenne. Ses efforts ont permis de consolider l’ECOSOC « en tant qu’enceinte qui répond aux réalités d’un monde », a observé le groupe CANZ. L’Italie a salué le fait que M. Rae a « compris la nature interconnectée des défis que connaît le développement durable ».
Craintes pour la réalisation des ODD et l’avenir du multilatéralisme
Résumant l’état d’esprit d’un grand nombre de délégations, le Kenya s’est alarmé du fait que seulement 35% des objectifs de développement durable (ODD) soient en passe d’être réalisés et que 18% connaissent une régression. Face à cette « sombre réalité », il a appelé à une réforme de l’architecture financière internationale et à une coopération fiscale renforcée. Pour ce pays comme pour les Maldives, candidats à un siège à l’ECOSOC en 2029, les engagements pris à Séville, lors de la Conférence internationale pour le financement du développement, doivent être honorés.
Favorable au renforcement de la coopération entre l’ECOSOC et les institutions financières internationales, l’Algérie a souhaité que l’accent soit mis davantage sur les besoins des pays en développement. Déplorant le manque de diversification économique de l’Afrique, elle a estimé que le développement de l’intelligence artificielle (IA) pourrait contribuer à accélérer la réalisation des ODD sur le continent.
« Jamais auparavant les défis mondiaux n’ont exigé autant de coopération multilatérale, mais jamais auparavant le multilatéralisme n’a été aussi mis à l’épreuve », a constaté la République dominicaine, pour qui l’ECOSOC a néanmoins démontré « sa capacité à s’adapter et à répondre efficacement à des défis complexes ». Parmi ceux-ci, elle a mentionné la situation en Haïti en priant de ne « pas laisser l’approche légitime de la sécurité éclipser les dimensions humanitaires, de développement et de protection des populations vulnérables ».
De son côté, la Fédération de Russie a mis en garde contre la politisation des travaux de l’ECOSOC, faisant valoir que certaines questions n’ont pas à y être examinées, notamment les crimes contre l’humanité.
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