Sur L’Illusion de Pierre Corneille :
l’optique philosophique et le temps de comprendre (1)
par Catherine Kintzler
30 avril 2006 [Vous pouvez lire cet article sur le nouveau site Mezetulle.fr]
Nul mystère, nulle magie dans cette pièce où on lit à livre ouvert : L'Illusion est une leçon lumineuse sur la certitude et l'incertitude. En comprenant le mécanisme de l'illusion, on découvre qu'on avait toujours eu tout, depuis le début, sous les yeux.
(Voir également sur ce blog l'article sur Le Cid et l'article sur Nicomède )
Sommaire de l'article :
Comme l’indique l’auteur lui-même, on lit dans cette pièce à livre ouvert. Nul mystère n’y règne : rien qui ne soit accessible aux yeux. L’Illusion est une leçon lumineuse sur la possibilité et conjointement sur la dissipation de l’illusion. Mais on découvre aussi, en comprenant le mécanisme de l’illusion, qu’on avait toujours eu tout, depuis le début, sous les yeux : ainsi, on comprend quand on comprend pourquoi on n’avait pas compris et pourquoi on aurait dû comprendre. Il n’est pas rare, depuis Platon, que le dispositif de la vision soit pris comme le schème de l’acte d’intellection. Mais il l’est ici à travers deux dimensions constitutives du théâtre. D’abord la scène, à la fois dans ce qui la sépare et la relie à la salle et dans sa profondeur. Ensuite la temporalité : car c’est toujours, comme on le verra, le temps second qui donne à la scène sa véritable configuration, celle qu’il aurait fallu voir. La pièce est finie au moment précis où, une fois la profondeur déployée, toute la durée traversée jusqu’à ce moment vient se précipiter rétrospectivement dans le seul instant qui vaut : celui, fulgurant, de l’intellection.
1 - Le dispositif optique de l’illusion et de sa dissipation
Deux scènes capitales encadrent la pièce et fournissent l’une et l’autre une clef, qui semblent du reste se contredire.
A l’Acte I, scène 1, Dorante avertit Pridamant de la nature des charmes d’Alcandre : ce n’est pas une magie de spectacle, de surnature (2), mais une magie immanente : « vous n’avez pas besoin de miracles pareils ». Alcandre ne contredit pas la nature, il se contente de la « renverser » - terme d’optique aussi. Autrement dit, ce n’est pas une pièce « à spectacle » comme la tragédie à machines ou comme le sera l’opéra. Tout s’y fait par nature et non par artifice.
La scène dernière de l’Acte V est celle de la désillusion tant optique que morale pour Pridamant : « n’en croyez que vos yeux » lui dit Alcandre.
Pour bien situer la notion d’illusion ici, il faut consentir à dissocier l’optique et le spectaculaire. En effet les jeux de l’optique, naturels et fort simples, mais qui permettent des « renversements », sont nécessaires pour produire et dissiper l’illusion. Mais ils sont suffisants : tout est là sous nos yeux. Ce qui arrive à Pridamant nous arrive en même temps qu’à lui, et cela nous arrive tous les jours.
Qu’est-ce qui arrive au juste ? Je me contente ici non pas de résumer la pièce, mais d’en indiquer la structure optique, que je récapitule dans un schéma [ voir le schéma ].
Alors que je suis au théâtre (sur le schéma, niveau R0 : réel), je vois (niveau F1 de la fiction) Pridamant, à la recherche d’un fils qui l’a quitté, s’en remettre à Alcandre pour savoir ce que ce fils est devenu. Alcandre lui « montre » alors sous forme de « fantômes » un pan de la vie passée de son fils Clindor (niveau F2 de la fiction, lequel comporte des récits faits par les personnages « fantomatiques », récits non représentés). Puis Alcandre passe pour ainsi dire à la vitesse supérieure et « montre » à Pridamant ce qui arrive à son fils en temps réel : on voit Clindor pris dans une action tragique qui se termine par son assassinat. Mais, alors que cette issue sanglante vient de s’achever, une toile se lève et on s’aperçoit que cet épisode était en réalité une pièce jouée par Clindor, lequel est devenu comédien. Ce que nous (avec Pridamant) avions pris pour F2 est en fait un niveau F3 de la fiction : il fallait ajouter un plan supplémentaire dans la profondeur fictive de l’ouvrage. [ voir le schéma ]
Pour Pridamant et pour moi spectateur (car pour le lecteur, les profondeurs sont déployées explicitement au début de la scène 2 de l’Acte V où l’indication scénique est claire) pendant le début de l’Acte V deux niveaux de fiction sont donc rabattus l’un sur l’autre. Et c’est au moment où la « toile » se relève que nous comprenons qu’il y avait profondeur là où nous n’avions vu qu’un effet de téléobjectif, un effet de platitude. Le plaisir de la pièce repose donc à la fois sur l’illusion et sur sa dissipation, dans un mouvement rétrospectif qui est caractéristique de toute correction d’erreur, laquelle engage une temporalité de connaissance en même temps qu’une morale, celle du « j’aurais dû voir ».
Or tout cela se fait bien à découvert, et uniquement par des moyens naturels parfaitement à notre portée : Alcandre n’a rien fait d’autre que de disposer notre perception sans l’altérer ni la troubler. Les moyens employés sont ceux du théâtre sans machine et de l’optique naturelle, partagée, comme le bon sens, par les spectateurs et les agents dramatiques . Tout le monde est au même niveau, et contrairement à ce qu’on pourrait croire cela inclut Alcandre qui n’est nullement un maître manipulateur au-dessus de tout : nous n’avons les uns et les autres que nos yeux, qu’il faut croire et bien disposer pour voir ce qu’il y a à voir.
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2 - Des moyens naturels simples et faciles
Revenons sur ces moyens naturels optiques et classiquement dramatiques.
D’abord l’opposition du spectaculaire (non représenté) et de l’optique (représenté) est parfaitement explicite dans la pièce qui à cet égard, est « classique » en ce sens qu’elle évite systématiquement le spectaculaire pour privilégier l’optique. Les récits fabuleux des personnages (notamment de Matamore) sont rapportés, dits, et non pas « hallucinés » sur la scène comme ils pourront l’être plus tard à l’opéra ou dans une pièce à machine ou même dans une pastorale. La séparation est nette entre la fiction narrative et la fiction dramatique.
Ensuite le corps propre des personnages, c'est-à-dire des acteurs : leur visage, leur voix, leur allure, leur corpulence. Il faut que Clindor, Isabelle et Lyse soient identifiables tout au long de la pièce dont ils traversent deux niveaux de fiction et que cette identification puisse aussi supporter l’ambiguïté (3). La pièce est bien faite pour être vue par un spectateur optique, car pour le lecteur il n’y a aucune illusion. Quant à un pur auditeur (on pourrait se demander comment « représenter » la pièce à la radio), on peut douter que la pièce ait seulement un sens à ses oreilles qui ne peuvent pas « voir » l’illusion.
Enfin les seuils. Il y en a trois, dont deux sont mobiles :
1° Le seuil salle / scène. C’est le seul que Corneille tiendra toujours ferme (4).
2° Le seuil grotte / F2. Il a besoin d’être bien « tenu » par Alcandre sinon les fictions F2 puis F3 (prise pour F2) ne sont pas possibles. Ce seuil est levé à l’acte V. « ils sortent de la grotte ».
3° Le seuil du rideau ou de la toile dans le théâtre (différence F2/F3). Cette toile abaissée puis relevée à l’acte V permet de rétablir rétrospectivement la profondeur dont l’aplatissement fondait l’illusion. Mais il faut se souvenir qu’Alcandre l’a montrée dès l’acte I à Pridamant (et à nous). Nous avions donc le point d’appui pour établir cette profondeur, mais nous ne l’avons pas vu. C’est exactement le mécanisme du rêve dans la Traumdeutung (5) : un petit détail vient faire un « clin d’œil » mais passe inaperçu... et c’est en y revenant qu’on le voit. La vision instruite est toujours une vision différée. [ Haut de la page ]
C’est sur cette grande simplicité du recours aux seuls moyens naturels que je fonde ma thèse : l’Illusion est avant tout une pièce sur la certitude - en tant que celle-ci est constituée par l’incertitude. L’opération de l’incertitude, seule capable de me faire vivre la confusion des plans, me permet de voir ensuite et de comprendre leur distinction : celui qui n’a jamais confondu des plans ne saura jamais ce que sont des plans distincts. Celui qui ne s’est jamais trompé restera idiot toute sa vie. Le savoir n’est donc pas un état de tranquillité ni le résultat d’une paisble accumulation, mais une opération inquiète où la fausse route est nécessaire. Et pour me mettre sur la bonne voie, la fausse route doit nécessairement être remontée, recommencée.
La vision est l’opération d’un œil d’abord « surpris ». Cet œil surpris est dans un premier temps « curieux », ébahi : le moment de la curiosité est celui de la juxtaposition, de la confusion des plans, de la platitude. Il faut passer à « l’œil méthodique » (6) pour que cette confusion s’ordonne, passer de l’ordre des matières à l’ordre des raisons. La vision est le paradigme de cet itinéraire : voir ne suffit pas, pour voir il faut voir ce qui rend possible la vision. Le temps régressif de la rétroaction est la condition du déploiement de ce dispositif. Ainsi, le cheminement de la connaissance est inséparable d’une histoire qu’il faut sans cesse revivre. Pour comprendre, il faut commencer par se tromper : l’erreur n’est pas seulement première chronologiquement, il faut qu’elle le soit aussi épistémologiquement. On retrouve ici quelques thèses fortes de la psychologie de la connaissance développée par Bachelard.
La conséquence esthétique de ce redéploiement dans un temps cognitif et dans un espace hiérarchisé n’est pas mince. L’esthétique « baroque » est ici utilisée mais mise en dérision, renvoyée à sa platitude, à sa profusion, à un régime illogique de juxtaposition, puis elle est réordonnée par l’économie de la vision à d’autres principes plus simples d’intelligibilité. Prise du point de vue du contenu, la pièce est baroque (récits, outrances, changements de lieux, étirement du temps). Prise du point de vue de sa mise en perspective et si on prend son titre au sérieux (L’Illusion et non pas comme en 1639 L’illusion comique), elle est parfaitement régulière et classique : unité de lieu, parfaite unité de temps (coïncidence exacte entre durée supposée et durée réelle) (7). C’est une pièce ultra-classique qui contient l’illusion baroque tout en la démontant : il n’y avait vraiment pas de quoi s’ébahir... A l’admiration curieuse succède l’émerveillement désenchanté propre à la science classique : « ce n’était que cela !». [ Haut de la page ]
3 - Les moments philosophiques de l’illusion et de la désillusion
Il suffit d’analyser le mécanisme de l’illusion pour voir qu’il est aussi celui de la désillusion. Ce mécanisme fonctionne tous les jours, chaque fois que nous corrigeons une erreur, et comme ici dans une temporalité de rétrospection et du « devoir-être ». C’est la première thèse philosophique qu’on peut en tirer : la connaissance a pour corrélat le doute. La certitude (contrairement à la sûreté) est sous la condition de l’incertitude. Celui qui est sûr de quelque chose ne pensera jamais à en établir la certitude. Pour démontrer, il faut douter.
Mais une autre thèse, plus inquiétante, peut être tirée de ce parcours théâtral : c’est l’immanence de notre connaissance. Nous n’avons pour voir que nos yeux, nous n’avons pour comprendre que nos pensées, et nul magicien, nul interprète extérieur ne peut nous donner le vrai, lequel ne peut que se construire à grand peine et pour lequel on ne peut pas faire l’économie de l’erreur, de la fausse route. Aucun dieu ne préside à la connaissance, aucun malin génie non plus : je dois faire cela moi-même... On pourrait aussi en conclure, plus fortement encore, que l’idée même de connaissance infaillible est absurde, et donc que Dieu, ne pouvant se tromper, n’a aucune connaissance à proprement parler et ne peut pas comprendre ce qu’est une connaissance (8). Quelqu’un qui n’aurait vu que de la lumière et jamais de ténèbres ne sait même pas ce que c’est que la lumière.
Dans la pièce de Corneille, Alcandre ne jouit d’aucun privilège : il ne manipule ni ne crée rien, il ne délivre pas de bonne parole (et c’est également vrai pour le préjugé moral dissipé à la fin de la pièce) ; il ne fait que révéler à la vue ses propres conditions, lui révéler le mécanisme qui fait qu’elle voit et qu’elle peut voir mal. Mais ce mécanisme était lui-même visible. En outre, il ne peut se déployer que dans le temps - l’éternité ne lui serait d’aucun secours. Seule la rétrospection lui donne sa validité. Et ce n’est pas parce qu’on s’est trompé une fois qu’on est désormais à l’abri de l’erreur : on peut (on doit) se tromper à chaque fois pour pouvoir comprendre quoi que ce soit. [Haut de la page]
Regardons de plus près comment, du point de vue philosophique, fonctionne cette autorévélation inconfortable. J’en distinguerai trois moments.
1° Le moment illusoire et sa révélation (ou moment de connaître).
Ce moment s’analyse en deux temps. C’est celui où la profondeur est annulée (non pas vraiment annulée, mais rabattue sur une platitude). C’est le même « plan ». Ce qui manque à Pridamant - et à nous spectateurs - dans ce moment, c’est un espace qui situe les connaissances les unes par rapport aux autres dans un rapport de condition de possibilité : absence de principe, absence d’ordre des raisons, moment « curieux ». Sa révélation installe une expérience critique qui revient sur la possibilité même de la vision et de la vision « fausse » : on comprend qu’on avait mal vu, et on comprend aussi pourquoi il était possible de mal voir. Le regard n’est donc plus seulement « devant », mais aussi « de travers ». Non seulement je vois ce que je vois, mais je vois comment voir... Quand nous corrigeons une erreur, la profondeur est rétablie : on ne voit pas A puis B en se disant « B est plus vrai que A ». Non : en voyant B, on se dit « ah, je comprends maintenant pourquoi je croyais A vrai ». Cette expérience critique est schématisable par une circulation spatiale hiérarchisée (c’est le schéma des profondeurs), mais elle suppose aussi une circulation dans le temps qui instruit le « maintenant, je vois » du fruit des erreurs passées.
Le moment critique est éclairant mais affolant : parce qu’en voyant cela, on voit aussi qu’on ne peut pas sortir de la vision pour conquérir une fois pour toutes un point de vue absolu, définitif. On peut toujours être pris dans une fausse profondeur qui a les apparences de la platitude. D’où le moment suivant. [ Haut de la page ]
2° Le moment hyperbolique
Je découvre que la connaissance est une succession d’opérations d’auto-ordonnancements, d’auto-réflexion, et je vois que tout peut se réordonner sans fin. D’où un doute, un trouble, qui se cristallise ici sur le personnage d’Alcandre. Alcandre en effet plie et déplie les perspectives aux yeux de Pridamant. Et si quelqu’un d’autre faisait cela aussi pour moi ? Le jeu de la toile qui se relève pourrait refluer sur le seuil salle-scène, et pourquoi pas sur un seuil « hyperbolique » où ce que je prends pour réel (la vie) ne serait rien d’autre qu’une fiction : et si j’étais rêvé par quelqu’un d’autre ? On n’a pas besoin d’attendre Matrix pour cela, c’est exactement l’hypothèse cartésienne du Malin génie dans les Méditations métaphysiques.
Or ce que montre Descartes justement, et ce qui revient aussi au paradigme optique, c’est que c’est absolument impossible. Rien ne saurait me déloger de ma position de sujet. Et dès que j’ai compris ce que c’est que voir, je comprends qu’il n’y a pas d’autre vision que celle que je peux mettre en œuvre : je peux me tromper, mais jamais quant au statut critique de la vision. J’aurai beau mettre en perspective autant de plans que l’on voudra, ce seront toujours des plans et rien ne m’épargnera la tâche d’avoir à les ordonner les uns par rapport aux autres.
Autrement dit, l’immanence de la vision à elle-même, l’immanence de la connaissance et de la pensée à elles-mêmes, sont les garantes du discernement en même temps qu’elles sont les sièges de l’erreur : aucune puissance extérieure ne m’induit en fiction, car le mécanisme critique consiste justement à savoir comment une fiction est possible, mais je suis moi-même tout seul parfaitement capable de me tromper !!! Il n’y a pas de point hyperbolique en deçà de l’opération de la connaissance (9). [ Haut de la page ]
3° Le moment moral
On parvient alors au troisième moment, proprement critique et moral. La moralité, c’est que seul un travail sur soi-même permet non pas de sortir définitivement de l’erreur, mais de traiter la question de l’erreur comme constitutive de la connaissance. Moment moral du fait que c’est un retour sur soi-même, ce que la philosophie appelle une praxis, une réforme. Dans la pièce ce moment coïncide avec celui où Pridamant se délivre de ses préjugés quant au théâtre et à la condition des comédiens. Comme on dit communément et très justement : il en est revenu. Oui, on revient de ses erreurs et de ses préjugés, en revenant dessus et en revenant sur soi, et aussi en faisant retour sur un passé qui est alors requalifié - un peu comme au jeu de dames, où l'on s’aperçoit des dégâts une fois le coup joué. Ce retour est moral : il me fait voir ce que j’aurais dû voir. C’est ce que Bachelard appelle un mouvement de « repentir intellectuel » (10). L’esprit, ajoute-t-il, « ne se forme qu’en se réformant ».
Voilà pourquoi nous sortons de cette pièce dans un autre état que celui dans lequel nous y sommes entrés.
Pour conclure, je m’appuierai sur une idée de Christian Biet (11) : c’est une forme de théâtre épique au sens de Goethe, et à celui que Brecht donnera plus tard à ce terme : ce théâtre est fait pour être vu de plusieurs points, et on en sort « édifié ». Il faut se promener autour et le recevoir comme un boomerang. Ce qui est intéressant n’est pas l’intrigue, ou plutôt l’enchevêtrement d’intrigues, mais le dispositif réflexif. De plus Corneille y trace avec beaucoup de pénétration la frontière ferme entre le fictif et le réel, laquelle permet à Pridamant d’identifier aussi ses propres préjugés. Non pas, comme le dit Biet (et c’est ici que je me sépare de lui) parce qu’il aurait pris peur devant la possibilité de la folie (12), mais parce qu’il est clairvoyant sur la nature même de la connaissance, de la vision et sur leurs conditions de possibilité : c’est donc un théâtre épique parce que c’est aussi un théâtre « transcendantal », un théâtre sur les conditions de possibilité du théâtre, ainsi que de toute vision et de toute connaissance du vrai et du faux. [Haut de la page]
Annexe I sur les différentes versions
Dans la première version de l’Illusion comique (1639) la scène 3 de l’acte V se termine par l’annonce par Lise de l’arrivée de la princesse Rosine.
Clindor demande alors à Isabelle d’assister cachée à l’entretien qu’il va avoir avec Rosine.
La scène 4 est un dialogue entre Clindor et son amante Rosine au cours duquel Clindor renonce à son amour et essuie les reproches de Rosine.
Ils sont surpris (scène 5) par l’arrivée d’Eraste et des domestiques de Florilame, qui tuent Clindor et Rosine et emmènent Isabelle dont le prince est tombé amoureux. La scène 6 se passe entre Alcandre et Pridamant.
Dans la version de 1660, Corneille a supprimé cette scène 4 et le personnage de Rosine. La scène 3 se termine sur l’arrivée d’Eraste qui (scène 4) assassine Clindor, Isabelle meurt (ou s’évanouit ?) sur le corps de son époux, le rideau tombe et on retrouve Alcandre et Pridamant à la scène 5. La version initiale est donc plus longue d’une scène que la version de 1660 et comporte une péripétie romanesque de plus.
Celle de 1660, plus courte, est aussi plus simple et fait l’économie d’un personnage important uniquement dédié à ce niveau de la fiction.
Dans l’édition de 1639, il n’y a pas d’indication de baisser de rideau entre la fin de la scène 5 et la scène 6 qui a lieu entre Alcandre et Pridamant.
L’indication scénique dans la première version apparaît avec l’édition de 1644. [Haut de la page]
Annexe II :
Schéma optique en coupe de L'Illusion comique
R0
Je suis au théâtre
*********************Seuil salle / scène *************************
Je vois
R0 désigne la position du spectateur (R pour réel). F1, F2, F3 désignent les différents niveaux de la fiction emboîtés les uns dans les autres. La feuille est une coupe du dispositif visuel qui soutient la pièce, l'oeil étant situé à gauche en R0 (spectateur) ou en F1 (Pridamant et Alcandre) et regardant vers la droite. Les noms en italiques désignent les agents qui restent rivés à un seul niveau de fiction. X et Y sont les acteurs compagnons de la troupe de Clindor, Isabelle et Lyse, mais qu'on n'identifie pas car on ne les voit que dans leurs rôles d'Eraste et de Rosine.
La pièce repose sur l'écrasement des niveaux F2 et F3 sur un même plan : le spectateur et Pridamant "voient" le plan F3 rabattu sur F2. Seul le lecteur sait dès la scène 2 de l'acte V qu'il s'agit d'un troisième niveau de fiction, mais le lecteur ne "voit" pas, il sait parce qu'il lit l'explication du dispositif visuel et de son caractère possiblement trompeur.
A l'acte V, la toile qui se lève permet à l'oeil de Pridamant (placé le le plan F1) en même temps qu'à l'oeil du spectateur (sur le plan R0) de rétablir la profondeur qui sépare F2 et F3, et de comprendre que F3 est une fiction enchâssée dans F2. Mais, rétrospectivement, on s'aperçoit aussi qu'on avait le moyen de situer cette profondeur dès le début, par l'indice donné à la scène 2 de l'acte I (on tire un rideau qui laisse voir les costumes).
Enfin, cette découverte amène une dernière question, toujours dans une rétrospection critique : l'oeil regarde derrière lui, on s'émeut de savoir s'il n'y aurait pas un plan R-1 en deçà de R0 situé plus à gauche, d'où un oeil pourrait voir notre réel comme une fiction, et pour lequel nous serions un Pridamant. Pourquoi, finalement, cela n'est-il pas possible ?
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Indications bibliographiques
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Notes
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