vendredi 7 novembre 2025

L’employeur qui se croyait drôle : la Cour d’Appel de PARIS reconnaît la faute inexcusable pour des « blagues » à connotation raciste au travail

Par un arrêt du 12 septembre 2025, la Cour d’Appel de PARIS (Pôle 6, chambre 13) a confirmé la faute inexcusable de l’employeurdans l’affaire opposant notre client à son employeur.

L’arrêt consacre la responsabilité de l’entreprise pour absence de réaction face à des propos à caractère raciste répétés tenus par un supérieur hiérarchique, qui ont conduit à une dépression reconnue en maladie professionnelle.



« Tu n'as pas de ceinture explosive sur toi ? Je peux te dire bonjour ? »

« C'est quoi cette barbe de terroriste ? »

« Depuis quand les beurs ont peur du soleil ? »

« Tu es venu en chameau ce matin ? ».


Le directeur général de la société où travaillait notre client tenait quotidiennement des propos de ce genre, sous couvert d'« humour ».

Le salarié a très mal vécu cette situation et, conseillé par son médecin, a fini par déclarer une maladie professionnelle (syndrome anxieux et souffrance au travail), reconnue par la CPAM de Seine-Saint-Denis.

Il s’est alors tourné vers notre cabinet pour faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur.

Nous avons saisi le pôle social du Tribunal Judiciaire de BOBIGNY, qui nous a donné gain de cause. L'employeur a fait appel, et la Cour d'Appel a confirmé le jugement.

L'argument de l'employeur était d'expliquer que les propos dénoncés relevaient d’un humour mal interprété, et qu'il n’avait jamais été alerté d’un quelconque danger pour la santé de son salarié.

Suivant notre raisonnement, la Cour d’Appel de PARIS a rejeté l’ensemble de ces arguments.

Elle relève que les propos tenus par le directeur général de la société « étaient de nature à faire dégénérer l’humour en agression verbale et à constituer un danger pour la santé psychologique du salarié visé. »

Elle juge que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu’il n’a pris strictement aucune mesure pour en préserver le salarié, ce qui caractérise la faute inexcusable au sens de l’article L.452-1 du Code de la sécurité sociale.

Il est évident que des propos discriminatoires à caractère raciste, même formulés sur le ton de la « plaisanterie », peuvent mettre un salarié en situation de danger psychologique engageant la responsabilité de l’employeur.

Rappelons à ceux qui l'oublieraient que l'injure à caractère discriminatoire prononcée en raison des origines de la victime est une infraction pénale définie par la loi du 29 juillet 1881 comme « Toute expression outrageante, terme de mépris ou invective adressé à une personne ou à un groupe à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

Elle constitue un délit, pour lequel son auteur encourt jusqu'à un an d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende (article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse).

Un propos raciste, même prétendument humoristique, n’est jamais anodin ; surtout lorsqu'il est émis publiquement, et de façon répétée, par un supérieur hiérarchique.

L’employeur ne peut s’en laver les mains au motif qu’il « ne savait pas » : il lui appartient de prévenir, d’agir et de protéger.

En confirmant la faute inexcusable, la Cour d’Appel de PARIS rappelle qu’aucune tolérance ne peut être admise face au racisme ordinaire dans l’entreprise, et que l’argument consistant à nier toute intention raciste ne saurait exonérer l’employeur de son obligation de sécurité.

vendredi 16 mai 2025

Faute inexcusable de l'employeur : l'employeur qui pensait pouvoir se contenter de montrer des photos (Arrêt de la Cour d'Appel de PARIS, 9 mai 2025)





Notre client, un ouvrier routier se blesse au niveau du dos alors qu'il est en train de retirer des balises en béton sur l'autoroute.


On lui diagnostique une lombalgie aiguë, puis la CPAM fixe son taux d'IPP à 15% pour « persistance de douleurs notamment et gêne fonctionnelle discrètes ».


Il nous a demandé de faire valoir la faute inexcusable de son employeur.


Devant le Tribunal Judiciaire, nous avons démontré que les balises (ou « embases ») en béton étaient chargées et déchargées de camions non pourvus de hayon, simplement à la force des bras et du dos des salariés.


Nous avons aussi démontré l'absence de formation sur les gestes et postures, pourtant indispensable à l'exercice des activités de manutention.


De son côté, l'employeur protestait, et communiquait un aide mémoire « gestes et postures au travail », un livret d’accueil hygiène sécurité, et des planning des formations.


Nous avons fait remarquer que les deux premiers documents n’étaient pas datés. Rien ne prouvait qu'il soient antérieur à l'accident. Rien ne prouvait non plus que la victime en ait eu connaissance.


Quant au planning de formation 2014 à 2019, s'agissant d'un accident du travail du 28 août 2012, il n'était évidemment pas pertinent...


Quant au livret d’accueil hygiène sécurité, dont la société disait qu'il était la preuve que « la société a toujours largement communiqué auprès de ses agents sur les gestes appropriés dans le cadre de travaux accompagnés de ports de charges ».


Chacun pouvait pourtant constater qu'elle montrait un document vierge, y compris à l'endroit où aurait dû figurer la signature du salarié :




L'employeur avait aussi cru pouvoir se contenter de communiquer des photos de machines sur un chantier, à une date et un lieu indéterminés.






Les juges ont à juste tire écarté ces éléments, qui n'avaient aucun rapport avec le dossier.


Le Tribunal a donc reconnu la faute inexcusable de l'employeur.


Ce dernier a fait appel, en produisant exactement les même documents.


Par arrêt du 9 mai 2025, la Cour d'Appel de PARIS a logiquement confirmé le jugement de première instance.


La Cour a notamment retenu que :


« La Société ne verse aucun document unique d’évaluation des risques professionnels et produit un aide-mémoire « gestes et postures au travail », un livret d’accueil et un mode opératoire non datés et dont il n’est pas établi qu’ils auraient été remis à M. ________. De même, les photos non datées et sans aucune garantie quant aux conditions dans lesquelles elles auraient été prises ne permettent pas d’attester des mesures de prévention mises en place à la date de l’accident, pas plus que les justificatifs d’achat de différents véhicules dont la plupart sont en outre postérieures à l’accident litigieux. En outre, la Société qui ne conteste pas ne pas avoir dispensé de formation de prévention en matière de manutention à M. ________, produit un planning de formation pour des dates postérieures au 28 août 2012. »


Notre client va donc bénéficier d'une majoration de sa rente AT et, après expertise médicale, de dommages et intérêts en réparation de son dommage corporel.


L'appel de son employeur lui permettra, en outre, de bénéficier de la nouvelle jurisprudence lui permettant d'être indemnisé de son déficit fonctionnel permanent.



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