La Probl駑atique de la Langue de Diffusion

[画像:Culture Scientifique en Algérie]

Quelle Langue pour la ?Diffusion
De la Culture Scientifique en Alg駻ie ?

Jamal MIMOUNI(*)

D駱artement de Physique, Universit? Mentouri, Constantine

Publié le 4 Décembre 2001 dans Le Quodidien d'Oran

I- Introduction

??????????? Le but de cet article est de discuter d置n probl鑪e qui nous pensons 黎re central ? la question de la diffusion de la culture scientifique, et qui se pose avec une acuit? particuli鑽e dans le contexte Alg駻ien. Il s誕git de la langue utilis馥 dans la communication entre les scientifiques et le grand public. Il se trouve que pour diff駻entes raisons, ce probl鑪e semble ne pas 黎re reconnu comme tel, voire occult? du champ des discussions sur le sujet. Chemin faisant, nous 駘aborerons un ensemble de r鑒les de communication entre les scientifiques et le public, qui de prime abord peuvent para?tre assez 騅identes, mais qui nous permettront de placer la probl駑atique de la langue de communication dans un contexte plus large, et d帝viter ainsi une id駮logisation de la question. Nous 駱iloguerons sur les cons駲uences graves de cette inad駲uation linguistique sur la capacit? de l但lg駻ie ? amorcer un mouvement r駸olu vers la modernit? ainsi que de contrer l段rrationnel dans lequel baigne notre soci騁?.

II- La Diffusion de la Culture Scientifique pour Quoi Faire ?

??????????? Il existe toute une gamme de d馭initions de la culture scientifique. Nous nous risquerons ici ? proposer une d馭inition ? la fois globale et dynamique, qui, m麥e si elle ne gagne pas l誕ssentiment de tous (existe t-il une d馭inition d置n concept qui serait universellement accept馥 ?), aurait-elle tout au moins le m駻ite de d駘imiter le concept. Nous proposerons donc :

La culture scientifique est cette entreprise d誕ction culturelle visant toutes les composantes de la soci騁?, qui a pour ambition d誕pporter le savoir scientifique (connaissance, mode de pens馥, valeurs) ? ce public, comme ? la fois, une source d弾nrichissement intellectuel et moral, et une source de loisirs.

??????????? Remarquons que l弾xpression ォ culture scientifique サ renferme une contradiction, ou du moins une opposition, qui est sans nul doute la source de son statut ambigu et probl駑atique. La culture est en effet synonyme de cette activit? dans laquelle s弾ngagent les membres d置ne soci騁? lors de leur temps libre, c弾st donc une activit? souvent men馥 de mani鑽e b駭騅ole, li馥 ? la sensibilit? de cette soci騁?, faisant 馗ho de ses pr駮ccupations, et traduisant de mani鑽e artistique l弾thos m麥e de cette soci騁?.

??????????? D置n autre cot?, le qualificatif scientifique r馭鑽e ? une pratique, vue souvent comme un gagne pain pour un nombre croissant d段ndividus, utilisant appareillage de pr馗ision et ordinateurs, manipulant des bases de donn馥s, et s誕ttelant ? sonder la mati鑽e dans ses retranchements les plus intimes.

??????????? Comment concilier ces deux aspects aussi intractables voire antagonistes, l置n li? au monde des loisirs, l誕utre ? une praxis rigoureuse relevant de la sph鑽e des activit駸 professionnelles ? Cette 駲uivoque pose maints probl鑪es que nous devons vivre avec[1].

??????????? Cette entreprise de cr饌tion et diffusion de cette branche de la culture d置n genre nouveau demande l段mplication de diff駻ents acteurs et relais. Nous distinguerons :

Les ォ providers サ :

?- Les scientifiques du monde universitaire, les chercheurs, mais aussi les professeurs de mati鑽es scientifiques des lyc馥s.

- Les animateurs scientifiques au niveau des centres culturels et maisons de jeunes, ainsi que les 騁udiants impliqu駸 dans des clubs scientifiques tant universitaires que grand public.

Les relais :

- Les diff駻ents m馘ia (TV, journaux, Internet[2]?)

- Les ォ Sciences Museums サ du type Cit? des Sciences, Cit? de l脱space?

- Les Centres Culturels et Maisons de Jeunes.

Les destinataires:

- La soci騁?, y compris les jeunes scolaris駸 ou non, adultes, troisi鑪e age?En un mot, tout le monde !

??????????? A ce point, diff駻entes interrogations m駻iteraient d底tre pos馥s : La culture scientifique est-elle viable dans sa dimension culture de loisirs, ou bien est-ce un? greffon culturel fantaisiste que l弛n veut imposer au nom d置n certain militantisme scientiste? Peut-on vraiment populariser[3] la science sans la trahir ? Peut-on vraiment transplanter certains 駘駑ents de la science dans la sph鑽e culturelle ? La culture scientifique est-elle n馗essaire ? une soci騁?, ou dit autrement, une soci騁? peut-elle fonctionner et d騅elopper ses capacit駸 scientifiques et technologiques sans elle ? Nous ne consid駻erons dans le paragraphe suivant que le dernier point, au vu de sa relation directe avec le sujet de notre article.

Certaines consid駻ations civilisationnelles

??????????? L但lg駻ie, et les pays du Tiers Monde en g駭駻al, sont confront駸 ? un d馭i civilisationnel majeur, celui de r饌liser une insertion dans le Monde moderne qui se fait. Le Monde qui se fait est aussi un Monde qui d馭ait, et gare aux soci騁駸 qui rateraient le coche de l檀istoire en n誕yant su s誕dapter au rythme actuel du progr鑚. Ces soci騁駸 seront en effet marginalis馥s irr駑馘iablement et condamn馥s ? 黎re phagocyt馥s par des puissances r馮ionales qui ne manqueront pas d帝merger. Qui saurait dire en effet quels sont les 騁ats nations qui subsisterons, d段ci disons cinquante ans, ? cette acc駘駻ation de l檀istoire en cours et la d馗antation qui s弾n accompagnera ? Et s段l passent le cap de la survie, quelle souverainet? leur restera t段ls ? Ce probl鑪e existentiel se pose de mani鑽e aigue surtout pour les pays constituant le Tiers Monde aujourd檀ui, et dont, rappelons le, bien peu sinon aucun n弾st jamais sorti de son 騁at de sous d騅eloppement.

??????????? Il est aussi clair que toute la puissance 馗onomique, militaire, et de ce fait politique, dans le monde actuel r駸ide dans la ma?trise de la science et la technologie. Les guerres du Golfe, du Kosovo, et maintenant d但fghanistan sont suffisamment 駘oquentes sur ce point.

??????????? Nous conclurons sans plus d帝laboration qu置ne condition n馗essaire de survie des diff駻ents Etats nations r駸ide dans leur aptitude ? d騅elopper une certaine capacit? scientifique et technologique.

Transplanter? la science, une op駻ation des plus d駘icate

??????????? Ayant 騁abli qu置n certain d騅eloppement scientifique 騁ait vital pour une soci騁?, se pose la question de comment proc馘er? pour y transplanter la science ? En fait, la science se plante plut?t que se transplante, contrairement ? la technologie[4]. C弾st en effet un processus de longue haleine qui demande beaucoup de d馘icace et dont le succ鑚 n弾st pas garantie d弾mbl馥. Il s誕gira en particulier d誕rriver ? un seuil critique de d騅eloppement scientifico-馗onomico-industriel au del? duquel l弾ntreprise scientifique devient ォ self-sustainable サ[5].

??????????? Cette entreprise ne peut arriver ? maturit?, voire prosp駻er, que sur un terrain propice. Il est clair sans que cela ne n馗essite de longues 駘aborations, qu置ne soci騁? port馥 sur l段rrationnel par exemple, aura beaucoup de peine ? faire prendre pied ? la science et la faire fructifier. Il y a donc bien des conditions qui favorisent l帝mergence de la science, et avec elle, une communaut? de scientifiques.

??????????? Je me concentrerais dans cette 騁ude sur un facteur qui rend le sol propice ? un tel d騅eloppement. Ce facteur, c弾st l弾xistence et le d騅eloppement d置ne vigoureuse culture scientifique. Cette culture scientifique, une fois qu弾lle aura impr馮n? la soci騁?, saura? susciter des vocations parmi les jeunes, et cr馥r de mani鑽e g駭駻ale une attitude positive vis ? vis de la science au sein de cette soci騁?. Ren? Maheu, ancien directeur de l旦nesco, avait prononc? cette formule heureuse qui r駸ume bien cette synergie entre la culture scientifique et le d騅eloppement :

ォ Le d騅eloppement, c弾st la science devenu culture サ.

II- Irrationalit? de la soci騁? Alg駻ienne et Archa?sme de l脱tat. Etat des lieux

??????????? Or notre soci騁? n誕 pas su jusqu'? pr駸ent d騅elopper d誕ttitude positive envers la science. Elle vit une crise de rationalit? aigue, ce qui se traduit par une attitude ambigu? envers la science. Elle accepte le monde moderne dans ce qu段l produit de biens de consommation de haute technologie, mais elle est totalement d駸int駻ess馥 par le pourquoi des choses, de m麥e que toute avanc馥 th駮rique majeure dans la compr馼ension du monde, en biologie, en physique ou autre science, la laisse compl鑼ement indiff駻ente.

??????????? Elle se laisse certes conter sur les aventures et les francs succ鑚 de la science telle que l誕venture spatiale, la lutte contre les grandes maladies infectieuses, les merveilles de l置tilisation du laser en m馘ecine, dans l段ndustrie?mais elle n誕ccepte pas le verdict de la science sur des questions les plus anodines si cela touche ? certaines pratiques sociales ou religieuses.

??????????? Un exemple poignant de cette a-scientificit? chronique de notre soci騁? et des diverses institutions de l脱tat est l誕nnonce du d饕ut et de la fin du mois de Ramadhan. Depuis des ann馥s, nous acceptons de commencer notre je?ne sur la base de l弛bservation visuelle pr駸um馥 du croissant lunaire. Pourtant dans la majorit? des cas, cette observation ? lieu alors que scientifiquement le croissant est, ou bien en dessous de l檀orizon, ou pas encore form?. Une 騁ude sur le sujet[6] r騅鑞e que ceci s弾st pass? dans 70% des cas pour la p駻iode allant de 1963 ? 1993. Pourtant aucune instance scientifique (Centre de recherche, Universit驟), aucune institution de l脱tat (Minist鑽es de l脱nseignement Sup駻ieur et de la Recherche Scientifique, de l脱ducation Nationale, de la Culture, de l棚nt駻ieur?) n誕 jamais object? ? cette aberration qui fait je?ner chaque ann馥 ou presque, des millions de citoyens sur la base d置ne impossibilit? scientifique. Il ne s誕git pas de science avanc馥 ; n段mporte quel logiciel d帝ph駑駻ides ? la disposition des amateurs en astronomie est ? m麥e d誕rriver ? ces conclusions. Notons que le seul centre de recherche en astronomie, notamment l丹bservatoire de Bouzar饌h (CRAAG), est d駱endant du Minist鑽e de l棚nt駻ieur, et ce dernier n誕 jamais d駱loy? aucun effort pour ォ faire valoir サ les conclusions auxquelles aboutissent chaque ann馥 les astronomes du centre. Ne sommes nous pas en droit de parler d置n certain archa?sme de l脱tat[7] ?

??????????? Ajoutons ? tout cela les pratiques superstitieuses rampantes dans notre soci騁?, et qui touchent aussi bien le commun des citoyens que ceux ayant une formation universitaire. Ainsi interpr騁erons t段ls par exemple de simples cas de co?ncidences comme ayant un pouvoir pr馘ictif, comme ils accepterons que certaines personnes aient des pouvoirs de clairvoyance, et ceci malgr? que ces pratiques et croyances font fi des lois de la physique, de m麥e qu弾lles vont ? l弾ncontre des injonctions de l棚slam. Cependant, vu que ces pratiques sont elles aussi largement r駱andues m麥e dans les soci騁駸 d騅elopp馥s, nous ne s馳 attarderons pas outre mesure. Mentionnerons de m麥e sans 駘aboration l誕nalphab騁isme num駻ique[8] qui frappe notre soci騁?, et dont la diffusion de la culture scientifique devrait contribuer ? 駘iminer ou du moins r馘uire.

??????????? Nous conclurons avec ce constat : La science en tant que pratique et en tant que mode de pens馥, n誕 pas impr馮n? la soci騁? ni m麥e les institutions de l脱tat, et est donc rest馥 largement 騁rang鑽e ? notre soci騁?.

III- Quel R?le Social pour le Scientifique Alg駻ien ?

??????????? Le scientifique Alg駻ien ? plusieurs r?les 駑inents ? jouer. En tant que sp馗ialiste dans un domaine particulier, son r?le premier est certainement de produire du savoir et ainsi participer ? cette grande aventure contemporaine qui s誕ppelle le progr鑚 scientifique. En tant qu段ntellectuel appartenant ? une soci騁? en voie de? d騅eloppement, son autre r?le est d帝clairer cette soci騁?, de l誕mener ? la modernit?, ? la rationalit?, ainsi que lui faire prendre conscience des enjeux scientifiques et techniques de l檀eure, sans pour autant faire violence ? sa culture et ses valeurs. Sont interpell駸 pour cette mission, les dizaines de milliers de scientifiques, ing駭ieurs, architectes et m馘ecins que les universit駸 alg駻iennes ont form駸 au fil des ann馥s.

??????????? Au niveau des pouvoirs publics, le scientifique se doit de jouer un r?le de consultant sur certains choix qui sont fait dans le domaine industriel, agricole et autre, et qui n馗essitent une vision pr馗ise de l帝tat technologique du monde et de ses ?tendances futures.

??????????? Au niveau plus anodin de l段nformation scientifique, le public a d段nnombrable questions en souffrance dont leurs r駱onses contribuent ? la culture scientifique: le r馗hauffement climatique, les aliments g駭騁iquement modifi駸, les trous noirs, la vie dans l置nivers, la fusion?

??????????? Il est aussi important pour l檀omme de science s段l veut mener ? bien sa mission, d底tre pr駸ent dans les m馘ia, voire m麥e de s馳 imposer, surtout si le sujet touche sur la rationalit?, la science et son impact sur la soci騁? ?

??????????? En r駸um?, le scientifique Alg駻ien ? une vocation de premier plan ? jouer pour aider notre soci騁? ? acc馘er ? la modernit?. Il ne doit pas se laisser enfermer dans son r馘uit universitaire, de s馳 ォ ghettoiser サ. Son champ d誕ction doit 黎re, et le laboratoire, et la soci騁?.

IV- Le D馭icit de Communicabilit? du Scientifique Alg駻ien

??????????? Si un certain niveau de culture scientifique doit infuser notre soci騁?, encore faudrait t-il que les diff駻ents acteurs et relais de la culture scientifique mentionn駸 pr馗馘emment soient accord駸 ? cette soci騁?. Ceci para?t de prime abord un truisme, pourtant, comme la r饌lit? dans notre pays nous le montre, cela n弾n ait pas un.

??????????? Il se trouve que le scientifique alg駻ien se distingue par une incapacit? chronique ? s弾xprimer en public. Pire, il est impr駸entable. Ecouter un scientifique parler ? la t駘騅ision demande une certaine dose de courage tant nous sommes pris de piti? pour ce pauvre bougre en plein acte de self flagellation, et dont les mots ne sortent pas. Parfois le pr駸entateur l誕ide en lui sugg駻ant des expressions, ou certaines locutions en arabe, ce qui n誕joute que confusion et malaise. Nous ne parlons pas ici d帝loquence, loin de l?, nous parlons simplement de la capacit? de s弾xprimer de mani鑽e intelligible, de construire des phrases correctement, d底tre compr馼ensible[9].

??????????? Pourquoi l檀omme de science dans notre pays est-il frapp? par cette incommunicabilit?, peut? 黎re unique au monde[10] ? Certes il a h駻it?, ? son corps d馭endant souvent, du chaos linguistique qui r鑒ne d? au manque de coh駻ence de notre politique linguistique depuis l段nd駱endance, mais il est aussi en grande partie responsable de cet 騁at de fait. Il n誕 jamais investit s駻ieusement en temps et en effort pour pouvoir communiquer de mani鑽e ad駲uate avec le public. Or la science et les valeurs qu弾lle v馼icule, comme d誕illeurs toute chose dont nous d駸irons diffuser, doit faire l弛bjet d置n ォ marketing サ. Personne n誕cquerra un objet pi鑼rement emball?. Aussi cette ォ impr駸entabilit? サ, cette incommunicabilit?, cette image de marque n馮ative que v馼icule trop souvent le scientifique Alg駻ien, se retourne contre l弾ntreprise de diffusion de la culture scientifique m麥e.

??????????? Nous ne pr騁endrons pas que communiquer avec le public est facile. Non, c弾st une pratique, voire un art difficile, et comme toute pratique, cela demande un certain investissement en temps et beaucoup de frustrations en perspective. C弾st en retour une source de satisfaction et d弾nrichissement pour l檀omme de science.

V- Les R鑒les de base de la Communication scientifique avec le public

??????????? Comment communique t-on avec la soci騁? en g駭駻al ? Comment faire passer notre message au grand public ? Nous 駭oncerons trois r鑒les d弛r de la communication scientifique avec le public, guid? par notre exp駻ience sur le terrain, et un peu de bon sens.

R鑒le Une :

Il se doit d誕imer sa discipline, aimer la diffuser, et aimer son public.

??????????? Cette r鑒le pourrait s誕ppeler la r鑒le z駻o de la communication scientifiquetant elle para?t triviale. Enonc馥 autrement, on ne peut communiquer ce qu弛n n誕ime pas, ou ? qui on n誕ime pas. C弾st une simple r鑒le d誕mour qui est pourtant trop souvent enfreinte. Aimer le public implique le respecter, avoir d? consid駻ation pour ses go?ts, sa sensibilit?, ne pas le choquer, ni le prendre de haut.

R鑒le Deux :

On ne communiquera pas ce que l弛n veut, mais ce que le public veut et peut appr馼ender.

??????????? Cette r鑒le compl鑼e d置ne certaine mani鑽e la premi鑽e : il ne faut pas faire violence ? son public. C弾st aussi un exercice d檀umilit? n馗essaire. Pourtant cette r鑒le appara?t de prime abord comme paradoxale. Nous demande t弛n d誕bdiquer aux go?ts et desiderata du public ? Non, le but est toujours de diffuser la culture scientifique ? un public int駻ess?, mais pas de diffuser n馗essairement notre th駮rie chouchou ou nos idiosyncrasies pensant que tout le monde va fondre d誕mour pour elles.

??????????? Pourtant si notre scientifique est habile, il pourra m麥e arriver ? pr駸enter ses th駮ries exotiques, pour peu qu段l trouve le bon cheminement pour arriver ? son but. Expliquons nous en prenant un exemple. Suppose qu弾n tant que physicien des particules, je tiens ? faire partager ? mon public toute l弾xcitation et l帝motion qui accompagne la qu黎e du Higgs[11], et pourquoi cette particule fantomatique repr駸ente le Saint Graal de la physique des particules actuelle. Il serait bien peu habile de tenir un discours du type : Voil?, ceci n馗essite une bonne dose de Th駮rie Quantique des Champs, aussi vais-je commencer par en donner quelques rudiments, puis j誕rriverais presto au Higgs en question.

??????????? Une autre mani鑽e s?rement plus probante serait plut?t de commencer par expliquer ce qui se passe dans les 騁oiles[12], le r?le des diff駻entes interactions dans le contr?le de leur 騅olution, et en particulier la phase finale d弾xplosion sous forme de Supernova, et de l? d誕border les recherches subatomiques actuelles permettant de comprendre la hi駻archie des interactions fondamentales dans les transformations ultimes de ces 騁oiles. La place du Higgs dans cet 馘ifice coulerait alors de source. De plus, ces d饌mbulations parmi nombre de sujets diff駻ents quoique reli駸, sont riches d弾nseignement ? diff駻ents niveaux, et permet d弛uvrir de nouveaux horizons ? l誕udience. Ne sommes nous pas l? au c忖r m麥e de l弾ntreprise de diffusion de la culture scientifique, notamment relier des diff駻ents savoirs entre eux, ouvrir constamment de nouvelles fen黎res o? exercer sa curiosit? ? ????

??????????? Ainsi donc on ne peut imposer ce que l弛n veut enseigner, contrairement ? la mani鑽e de proc馘er dans le monde scolaire o? l弾nseignement est dispens? selon un programme d騁ermin? et une m騁hode 騁ablie.

R鑒le Trois :

On se doit de communiquer dans la langue de son audience.

??????????? Nous abordons l? le vif du sujet. Cette r鑒le de communication appara?t 黎re un truisme d馗oncertant par son caract鑽e 騅ident, voire sa na?vet?. Une lapalissade ! Pourtant son application est syst駑atiquement mise en d馭aut. Vu son importance nous lui consacrerons la prochaine section.

VI- Dans Quelle Langue Communiquer? la Culture Scientifique ?

??????????? Notre r駱onse ? cette question est donc simplement, dans la langue du public. Le scientifique ne pourra pas communiquer son savoir tant qu段l ne se mettra pas au diapason avec ce public. Le probl鑪e dans l帝nonc? de cette r駱onse est que le discours linguistique est tellement min? dans notre pays qu弾lle am鈩e trop souvent ? l弾sprit des arri鑽e-pens馥s id駮logiques[13]. C弾st pour 騅iter cet 馗ueil que avons voulu arriver ? cette conclusion comme proc馘ant d置ne condition de communication efficace et non de consid駻ations culturelles ou autres. Si nous nous permettons une analogie op駻ationnelle, consid駻ant le communiquant comme un 駑etteur et l誕udience comme un r馗epteur, il est clair que la r馗eption ne pourra se faire que si les deux appareils sont r馮l駸 ? la m麥e? fr駲uence. C弾st tout ce que dit la r鑒le !

L段nad駲uation linguistique

??????????? Nous avons tous v馗u l弾xp駻ience de ces conf駻enciers s誕dressant ? un public jeune, dans un fran軋is ch穰i? alors que l帝crasante majorit? ne le comprend pas. Parfois le conf駻encier se contentera d置n hochement de t黎e de quelques membres de l誕udience, qui semblent suivre l弾xpos? ou bien le font par simple courtoisie, pour ignorer la vaste majorit? des autres tentant vainement de d馗hiffrer. En terme de communication, on ne peut parler que de contre performance ; une occasion en or ? 騁? perdue pour faire passer son message.

Parfois le scientifique, r饌lisant le caract鑽e cocasse de cette inad駲uation linguistique entre lui et l誕udience, mettra en avant des justifications, dont nous nous proposons de discuter certaines d弾ntre elles :

- Il y a tout d誕bord l誕rgument que le public est tout de fa輟n bilingue. Or il ne l弾st pas, ou du moins il ne l弾st que de mani鑽e tr鑚 superficielle. En fait, le terme bilinguisme a 騁? tellement galvaud?[14] que pour 黎re plus pr馗is il faudrait nuancer notre remarque et dire : Il est suffisamment bilingue pour suivre l段ntrigue d置n film en fran軋is ou 馗hanger des am駭it駸 d置sage, il ne l弾st pas pour suivre une quelconque explication scientifique en fran軋is. Ceci n弾st pas une question pol駑ique mais un fait objectif et quantifiable, qui est une 騅idence pour les personnes sur le terrain.

- Une autre justification est de dire que si l段nterlocuteur est suffisamment int駻ess?, il fera l弾ffort n馗essaire pour suivre et s誕dapter. En plus de violer, et la r鑒le num駻o un, et celle num駻o deux,? nous avancerons qu段l est d駻aisonnable de confronter l誕udience avec deux d馭is ? la fois, le d馭i linguistique (d馗oder l段nformation), et le d馭i cognitif (int馮rer cette information ? son syst鑪e de pens馥).

- Parfois on avance l弾xcuse que de toute fa輟n il faudra bien qu段l utilise le fran軋is dans les ?sciences ? l置niversit?, et que l弾xpos? serait donc une pr駱aration ? cela. Or combien de ces jeunes iront ? l置niversit?, et combien feront des 騁udes scientifiques ? Cette ォ pr騅oyance サ bien pr馗oce viole en plus la r鑒le num駻o deux.

- Une autre argumentation souvent entendue est que de toute fa輟n il parle en ォ daridjaサ (arabe parl?), et que le public donc le comprend. Or souvent, la portion en arabe de leur discours ne d駱asse pas des termes de liaison et certaines interjections, tandis que tous les concepts et expressions cl駸 sont en fran軋is. D誕utres fois, nombres de verbes et expressions utilis駸 proviennent effectivement du parler de chez nous, du type : ォ nhoutt サ pour d駱oser, ォ tiyou サ pour tuyau, ォ boutoun サ pour bouton? mais quel massacre ! Peut-on vraiment expliquer des concepts scientifiques pr馗is ? l誕ide de locutions? b穰ardes et approximatives[15]?

- Enfin l弾xcuse la plus courante de notre scientifique, est bien qu段l ne ma?trise pas assez l誕rabe et qu段l est plus confortable ? discourir en fran軋is. Ainsi donc l弾xposant se met ? l誕ise au lieu de mettre ? l誕ise l誕udience. C弾st reconna?tre qu段l est un bien pi鑼re communicateur ! C弾st aussi un aveu qu段l n誕 fait aucun effort personnel pour se mettre au niveau de son audience[16]. C弾st enfin violer notre r鑒le num駻o une.

??????????? Nous irons m麥e plus loin et dirons que tout expos? grand public en fran軋is dans le contexte alg駻ien est discriminatoire : l誕udience se scinde aussit?t en deux groupes. Une minorit? qui ? une certaine ma?trise du fran軋is et qui saura comprendre une fraction variable de ce qui se dira, et la vaste majorit? qui 馗outera religieusement ou d駱it馥 un discours qu弾lle ne comprendra point.

??????????? Lorsque l弛n a affaire ? une audience mixte telle que dans certaines grandes villes et o? la proportion de ceux qui ont une certaine ma?trise du fran軋is est plus importante, la encore la logique voudrait que l弛n utilise l誕rabe vu qu段l n弾xiste quasiment plus aucune personne francisant qui n弾st pas bilingue, contrairement au cas inverse. D誕illeurs, ceux qui ont le plus besoin de l段nformation scientifique sont bien souvent ceux qui sont monolingues, et qui ont donc difficilement acc鑚 ? des sources scientifiques de qualit?.

??????????? Il est important de r饌liser que nous ne parlons pas de recherche scientifique, mais de culture scientifique. Sa diffusion est avant tout un 駘an volontaire vers le public, pour le public, et ? son service, et non le contraire.

La culture scientifique dans les r馮ions berb駻ophones, une proposition? et un d馭i

??????????? En fait notre r駱onse concernant la langue ? utiliser m駻ite certaines nuances. Certes, si l置tilisation de l誕rabe comme langue de communication scientifique avec le public scolaire et jeune s段mpose en Alg駻ie vu que ce public a 騁? scolarit? exclusivement en arabe, rien n弾mp鹹he d置tiliser des langues locales pour le grand public dans les r馮ions berb駻ophones du pays. Pourquoi ne pas diffuser les sciences en amazigh en Kabylie et dans sa variante chaoui dans les Aur鑚 ? Cela implique bien sur un effort de remise ? niveau scientifique de ces langues. Il serait judicieux, pour les d馭enseurs de la cause Amazigh d段ntroduire dans leur langue un corpus de termes de la vie moderne et du monde technique de fa輟n ? pouvoir diffuser la culture scientifique en amazigh, plut?t que de trop souvent se fourvoyer dans une bataille pour imposer le fran軋is au d駱end de l誕rabe dans les diff駻ents niveaux de la culture et de l帝ducation, et dans laquelle la langue amazigh n誕 rien ? gagner. Cela certes demandera un effort intellectuel soutenu et ardu, mais constituerais un remarquable bond en avant dans leur qu黎e d誕uthenticit?, et un travail louable au service de la cause Amazigh.

VII- Conclusions

??????????? Si une condition n馗essaire pour que notre pays puisse arriver ? un ?d騅eloppement durable et acc鐡e ? la modernit? est que la culture scientifique impr鑒ne les diff駻entes couches de la soci騁? et ? travers toute la pyramide des 稟es, il est vital qu段l y aie une ad駲uation linguistique entre le discours des scientifiques dirig? vers le grand public et ce public. La culture scientifique diffus馥 dans une langue 騁rang鑽e au public est condamn馥 ? ne pouvoir se d騅elopper de mani鑽e significative. De ce fait, elle ne contribuera pas ou tr鑚 peu ? cr馥r ce terrain propice qui permettrait ? notre pays de faire sa r騅olution scientifico-馗onomico-industrielle.

??????????? C弾st aussi une 騅idence que la science utilis馥 dans une langue 騁rang鑽e ne peut-黎re popularis馥, elle ne peut donc jouer son r?le dans l 疎vancement de la soci騁? et la lutte contre l弛bscurantisme et l段rrationnel. Elle devient 駘itiste et hors de propos pour la majorit? de la population. Ceci ? un implication id駮logique fondamentale: L誕cc鑚 ? la modernit? ne se fera pas, ou du moins, bien plus difficilement !

?



(*) L誕uteur est Ma?tre de Conf駻ences ? l旦niversit? Mentouri de Constantine. Il est chercheur en Astrophysique des particules et est engag? depuis nombre d誕nn馥s dans des activit駸 touchant ? la popularisation (砺ulgarisation?) scientifique avec le public. Il a publi?, avec N. Guessoum, ォ L辿istoire de l旦nivers サ (Ed. Al-Maarifa, Alger, 1999).

[1] Cette question n弾st pas d駭u馥 de cons駲uences pratiques. Ainsi le Minist鑽e de la Culture et des Sports a longtemps implicitement consid駻? les activit駸 scientifiques de type grand public comme hors de son ressort. Et la r駱onse ? des demandes de financement sp馗ifiques d誕ssociations scientifiques oeuvrant pourtant au niveau des Maisons de Jeunes d駱endantes dudit Minist鑽e ? souvent 騁? : aller voir du cot? du Minist鑽e de l脱nseignement Sup駻ieur !

??? ?Un exemple plut?t cocasse qui illustre bien? ce type de malentendus, est celui de l但ssociation Culturelle des Arts Sportifs de la Wilaya de T饕essa, qui est en fait une Association de la Culture Math駑atique, mais qui n誕 pas trouv? mieux pour 騅iter cet 馗ueil financier de recourir ? un petit jeu de mots entre Math駑atiques et Sport dans la langue arabe, au prix d置ne modique entorse ? l弛rthographe.

[2] En fait, Internet pourrait tout aussi bien 黎re class? comme provider puisqu段l constitue aussi? une source d弾xpertise consultable ? loisir, en plus de son r?le de d駱?t d段nformation.

[3] Nous pr馭駻ons l弾xpression anglo-saxonne de popularisation des sciences ? celle de vulgarisation des sciences. Vulgariser ? en effet trop la connotation de rendre vulgaire? ce qui travesti? litt駻alement le sens m麥e et la noblesse de l弾ntreprise.

[4] On pourrait argumenter facilement que m麥e la technologie ne se transplante pas comme on le pr駸ente trop souvent, mais implique un processus laborieux qui demande l弾xistence pr饌lable d置n tissu industriel et un certain d騅eloppement scientifique? Nous garderons cependant cette simplification commode pour les besoins de notre argument.

[5] Il est aussi important de r饌liser qu段l ne s誕git pas seulement de rattraper la science mondiale ? son niveau existant ? un moment donn?, mais bien de rattraper la fronti鑽e rapidement mouvante de cette science. Ceci constitue un double d馭i.

[6] Voir l誕rticle de N.Guessoum et K.M騷iane dans la revue koweitienne : Horizons Culturels et Patrimoine, No 14, 1996.

[7] Ajoutons ? cela qu段l n馳 a pas de tradition d置tiliser l弾xpertise scientifique pour des probl鑪es sp馗ifiquement scientifiques, comme on m鈩erait des expertises financi鑽es ou techniques. Dans le meilleur des cas, on ferait appel ? des experts 騁rangers, les ォ vrais サ?

[8] Nous parlons ici de cette incapacit? du? public ? interpr騁er correctement tout ce qui est nombres et statistiques, ce qui le rend vuln駻able, entre autres, aux discours d駑agogiques de certains officiels et hommes politiques. Sans nul doute, une certaine 馘ucation num駻ique en ferait de meilleurs citoyens.

[9] Il serait vain de comparer nos scientifiques avec ces communicateurs de haute voltige tels les Haroun Tazieff, Hubert Reeves, Carl Sagan, Isaac Asimov, dont la puissance locutoire alli馥 ? une pr馗ision et un raffinement dans la description, ? fait aimer les sciences ? des g駭駻ations de citoyens de leur pays respectifs.

[10] J段rais m麥e plus loin, sans vouloir accabler outre mesure notre pauvre scientifique, je pr騁ends que nous avons r騏ssi dans une large mesure, ? communiquer notre incapacit? de communiquer ? nos 騁udiants. Ainsi lorsqu誕u d騁our d置n cours il nous arrive de demander ? un 騁udiant de la classe de nous expliquer de mani鑽e pr馗ise un concept en faisant des phrases compl鑼es, nous n誕vons droit qu亭 un silence d弛r, ou un discours incoh駻ent dans une langue difforme.

[11] Le Higgs est une particule 駘駑entaire pr馘ite dans le mod鑞e standard de la physique des particules 駘駑entaires. Sa d馗ouverte chaque fois annonc馥 comme imminente dans les grands acc駘駻ateurs de particules se fait tarder. Du point de vue th駮rique, elle constitue la cl? pour la compr馼ension de la gen鑚e des masses de toutes les particules que nous connaissons, et donc de la masse de la mati鑽e elle m麥e.

[12] Une autre piste possible un peu plus ardue cependant, serait la piste cosmologique ; parler du Big-bang, des diff駻entes phases mat駻ielles par lesquelles l旦nivers primitif est pass? preuves observationnelles ? l疎ppui, pour arriver ? la physique des diff駻entes transitions de phase et le r?le du Higgs.

[13] Ceci explique en partie pourquoi nous avons jug? n馗essaire d誕border la probl駑atique associ馥 ? cette 騁ude qu誕pr鑚 de longues 駘aborations pr饌lables et ceci pour se situer autant que possible dans le domaine de l弛bjectif. Rappelez vous, autant que le Higgs valait bien des? d騁ours, la probl駑atique de diffusion de la culture scientifique valait aussi une bonne mise en contexte. Ceci dit, nous ne sommes pas na?f au point de penser que la r駱onse apport馥 est d駭u馥 d段mplications id駮logiques.

[14] Il suffit de se rappeler de l置tilisation de l弾xpression fili鑽es scientifiques bilingues dans les ann馥s soixante-dix pour d駸igner ces fili鑽es dont les 騁udiants 騁aient en fait des purs monolingues scientifiques.

[15] Ceci constitue vraiment de la ォ vulgarisation サ scientifiqueサ et non plus de la popularisation des sciences. Voir la note 3 ? ce sujet.

[16] Pourtant, un nombre croissant de nos scientifiques a un Bac scientifique en arabe, qui est tout de m麥e le plus haut dipl?me pr? universitaire et qui repr駸ente une somme appr馗iable de savoir. Ceci impliquerait qu亭 un certain moment il pouvait discourir en arabe sur les lois de Faraday, celles de Mendel, ou encore l帝pist駑ologie de Bergson. Les raisons de cette r馮ression linguistique inf馗onde sont avant tout sociologiques, leur discussion nous am鈩erait cependant trop loin de notre sujet.?

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